La flore intestinale participe à notre bonne santé… mais on ne connaît encore que 15 % des bactéries qui la composent. Une nouvelle méthode d’analyse, publiée par l’Institut national de la Recherche agronomique (Inra) dans Nature Biotechnology, permet de mieux comprendre le microbiote intestinal, notamment les gènes des différentes bactéries qui le composent. Grâce à elle, l’équipe internationale a même découvert des bactéries et des virus qu’on ne connaissait pas. Concrètement, les chercheurs ont pu reconstituer le génome complet de 238 bactéries intestinales dont 75% étaient jusqu’alors inconnues.
85 % de bactéries inconnues
On estime que 100 000 milliards de bactéries habitent l’intestin d’un individu. On n’en connaît qu’une très petite partie. L’importance du microbiote n’en reste pas moins indéniable : il participe à l’organisation du système immunitaire, interagit avec le cerveau. Certaines bactéries sont même impliquées dans des maladies comme l’obésité, le diabète de type 2 ou encore la maladie de Crohn. En comprenant mieux comment elles agissent, et quel est leur génome, les chercheurs espèrent pouvoir développer des traitements adaptés. « Idéalement, nous serions capables d’ajouter ou retirer des bactéries du système intestinal, ce qui induit une flore intestinale plus saine », précise le Pr Søren Brunak, co-auteur de l’étude.
Jusqu’ici, les différentes études n’ont fait qu’effleurer l’immensité du microbiote, avec 200-300 bactéries connues. Cette nouvelle approche s’appuie sur le « principe de la co-abondance. » Les chercheurs postulent que les différentes branches d’ADN d’un même organisme se retrouveront dans la même quantité au sein d’un échantillon. Cela leur permet d’analyser une grande quantité de données et d’en tirer des éléments fiables. A partir de 369 échantillons de selles humaines, l’équipe a réparti 3,9 millions de gènes en 7 831 groupes. Sur la part des bactéries (10 %), l’immense majorité n’avait jamais été observée (85 %). « Grâce à notre méthode, les chercheurs peuvent maintenant identifier et récolter le génome de micro-organismes jusqu’ici inconnus, même dans des sociétés microbiotiques. Cela nous fournit une perspective dont nous n’avions pas profité jusqu’ici », se réjouit le Pr Søren Brunak qui a co-dirigé l’étude.
Comprendre la résistance antimicrobienne
L’étude a également révélé 800 relations de dépendance entre des bactéries et des virus – autrement dit quels virus ont besoin de bactéries pour survivre. Ces bactériophages influencent la qualité du système intestinal sur le long terme. Le système immunitaire n’est pas en reste : les chercheurs espèrent mieux comprendre le développement de la résistance antimicrobienne en analysant les gènes du microbiote. L’intérêt réside aussi dans la compréhension de la résistance antimicrobienne : « Nous avions tenté par le passé de combattre la maladie en utilisant des bactéries et des virus, mais cela a été laissé en suspens, parce que les agents antimicrobiens sont vraiment efficaces pour combattre de nombreuses maladies infectieuses », explique le Pr Bjørn Nielsen. « Si nous en apprenons plus sur qui attaque qui, alors les virus bactériens pourraient être une alternative viable aux agents antimicrobiens. Il est donc très important d’identifier et de décrire bien plus de relations entre les bactéries et les virus qui les attaquent. »