Pas plus de six médicaments sur une ordonnance, c'est ce que recommandent tous les spécialistes. Malheureusement, pour les personnes âgées, les prescriptions sont bien souvent plus longues. Depuis 2009, le Dr Philippe Denormandie, directeur général adjoint du groupe Korian (qui gère près de 600 établissements) et directeur de l'institut du Bien Vieillir Korian, a mis en place une stratégie pour lutter contre cette polymédication chez les personnes âgées. Cinq ans plus tard, l'heure est au bilan. Et comme en rend compte l'hebdomadaire Le Point, cette politique a porté ses fruits.
Les derniers résultats de son étude sur « la non-intervention médicamenteuse » mettent tout d'abord en évidence l'ampleur de la difficulté : l'enquête menée dans 5 établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes montre que les pensionnaires ont 86,7 ans en moyenne et qu'ils souffrent en moyenne de 6 maladies, sans compter les souffrances psychiques. Autant dire que le nombre de médicaments prescrits ne se compte pas sur les doigts d'une main. Pour alléger l'ordonnance, le Dr Philippe Denormandie a donc développé différents outils : « ateliers thérapeutiques, promenades, activités manuelles, musique, photos... proposés à chacun en fonction de ses préférences antérieures et actuelles. Et, évidemment, la pertinence de la prescription des psychotropes est régulièrement réévaluée », précise Anne Jeanblanc, la journaliste du Point.
Ces interventions non médicamenteuses ont eu un effet direct sur la consommation de médicaments : la prescription de neuroleptiques, utilisés pour leur effet tranquillisant, est passée de 11,8 % contre plus de 24 % en moyenne nationale. Même tendance à la baisse pour les somnifères, les anxiolytiques et les antidépresseurs.
Cette initiative montre que la surconsommation de médicaments chez les personnes âgées n'est pas une fatalité. Mais il y a urgence à agir. En décembre 2013, les ministres de la Santé et des personnes âgées ont reçu le rapport sur la politique du médicament en EHPAD. Et le bilan, dressé par Philippe Verger, directeur adjoint du CHU de Limoges (Haute-Vienne), n'était pas brillant.
Le rapport évoque une moyenne de sept molécules différentes par jour et par personne. Une utilisation a priori justifiée. Mais au top 5 des classes les plus utilisées figurent les antidépresseurs, les anxiolytiques, les hypnotiques, les neuroleptiques et les régulateurs de l’humeur. Un cocktail détonnant qui pourrait expliquer le nombre élevé d’hospitalisations à cause d’effets secondaires. Cela concerne une personne de plus de 65 ans sur dix, et deux fois plus chez les plus de 80 ans. En cause : les « prescriptions mille-feuilles », autrement dit, faites par plusieurs médecins, une automédication de plus en plus fréquente... Le Dr Verger proposait notamment de mettre en place des « solutions alternatives ». Le Dr Phillippe Denormandie n'a pas attendu ce rapport pour le faire, et ça marche.