90% des adolescents ont déjà vu des images ou des films pornographiques, or ils n'ont pas le recul nécessaire pour faire la différence avec la «vraie» vie. Parler de sexualité de façon générale est bon moyen d'aborder ensuite la pornographie. Lorsqu'on est adulte, regarder des films occasionnellement permet de raviver les fantasmes et de stimuler le désir. En revanche, lorsque la vision des films comptent plus que le plaisir échangé avec son partenaire, cela peut conduire à l'addiction. Et dans ce cas, mieux vaut consulter.
Entretien avec le Dr Sylvain Mimoun, gynécologue et spécialiste de la sexualité (1).
Dr Sylvain Mimoun : La pornographie a toujours un impact sur les personnes et les jeunes en particulier. Et la particularité des jeunes c’est qu’ils n’ont pas le recul nécessaire face à la vraie vie. Et si on prend pour argent comptant ce que l’on voit dans des films, alors on peut être en décalage avec la réalité. Globalement, je ne suis pas affolé et je ne voudrais pas affoler les parents si leurs adolescents ont vu des films. Cela peut les influencer positivement ou négativement, les angoisser, les inquiéter…et donc induire des questions. Le rôle d’un adulte et des parents est de dédramatiser les choses. Il ne faut pas « engueuler » l’adolescent pour avoir regardé ce genre de film. Qu’on le veuille ou non, les ados les verront. Toutes les enquêtes montrent que 85% voire 90% des ados ou des pré-ados ont déjà vu des films ou des images pornographiques. Cela fait partie de la vie.
Quelles peuvent être les conséquences sur leur sexualité ?
Dr Sylvain Mimoun : Il peut y avoir un risque d’inquiétude voire d’angoisse face à cette sexualité. Les questions que se posent les garçons, c’est qu’ils ne seront jamais aussi bons que dans le film, qu’ils trouvent leur sexe plus petit par rapport à ce qu’ils voient, et les filles se disent qu’elles ne peuvent pas réagir aussi vite que dans les films. Il ne faut pas oublier qu’un film pornographique n’a qu’une seule fonction : exciter celui ou celle qui le regarde. Les personnes habituées à voir des films pornos peuvent se dire que finalement il n’y avait aucune vie là-dedans, que c’était uniquement de la gymnastique (on changeait de poses ou de partenaires) et de la mécanique. Si un jeune qui découvre « la vie » tombe sur un film porno, alors il vaut mieux qu’il zappe vite.
Ces images peuvent-elles perturber une jeune enfant dans sa vie sexuelle future ?
Dr Sylvain Mimoun : A mon avis, on ne doit pas s’affoler, mais si un ado ou un pré-ado a des questions ou change d’attitude, par exemple s’il est plutôt souriant ou bavard et qu’il devient taciturne, s’isole dans son monde, ne pose plus de questions…les parents doivent se dire que quelque chose ne va pas, et ils ne penseront pas obligatoirement aux films pornos. Dans ce cas, les parents doivent entourer l’enfant, lui parler ou l’amener à en discuter avec quelqu’un d’autre, dédramatiser les choses et le rassurer.
Entretien avec Sandrine Chauvard
(1) Auteur de plusieurs ouvrages, dont « côté cœur, côté sexe : l’ABC du bonheur à deux », co-écrit avec Rica Etienne et publié aux éditions Albin Michel.