Prendre des antirétroviraux pour se protéger du VIH, c'est ce que recommande l'Organisation mondiale de la santé. Evidemment pas à tout le monde mais aux "hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes". « Nous considérons que la prise des antirétroviraux est une méthode supplémentaire de prévention face au VIH », a déclaré Gottfried Hirnschall, qui dirige le département VIH à l’OMS. En clair, cette stratégie appelée la Prep (prophylaxie pré-exposition) ne se substitue pas au port du préservatif, elle vient en complément de celui-ci. Si l'OMS incite les homosexuels à prendre des antirétroviraux avant même toute contamination, c'est parce que « nous constatons une explosion de l'épidémie pour ce groupe à risque. »
Une protection partielle contre le risque d'infection
Mais aussi parce que plusieurs études ont montré l'efficacité de cette stratégie préventive. « Prendre une pilule quotidienne, en plus de l’usage des préservatifs, pourrait diminuer les risques de 20 à 25%, soit éviter un million de nouvelles infections au sein de ce groupe en dix ans », indique l’OMS. Concrètement, Les résultats de l'étude iPrEx publiés dans le New England Journal of Medicine en novembre 2010 indiquent que l'utilisation d'antirétroviraux chez des personnes non-infectées réduit le risque d'infection de 44%.
Dans une autre étude, appelée Partners PrEP, la prise de Truvada (un antirétroviral) s'était montrée efficace à 73% pour la transmission du VIH entre des partenaires hétérosexuels sérodiscordants. Mais, ces résultats que certains qualifient de décevants peuvent s'expliquer par l'observance. En effet, les personnes participant à ces essais ne prenaient pas toujours leur médicament très régulièrement. En fait, quand le Truvada était pris effectivement tous les jours, l'efficacité était alors de 90%. Pour les défenseurs de la Prep, il est malhonnête de dire que la prise d'antirétroviraux en prévention ne protège qu'à 44 ou 73%. L'activiste américain David Evans, directeur di Projet Inform, déclarait en 2012 : « Comment réagiraient les gens si nous leur annoncions que le préservatif n'a, en fait, que 30 à 40% d'efficacité sans même leur révéler qu'en fait ce chiffre prend aussi en compte les personnes qui n'en mettent pas ! »
Les Etats-Unis recommandent déjà les ARV en prévention
Avant l'OMS, les Etats-Unis ont autorisé officiellement l'utilisation du Truvada en prévention dès 2012. Et en mai dernier, les CDC d'Atlanta ont décidé de recommander aux Américains "à risques" vis à vis du sida de prendre quotidiennement un antirétroviral à titre préventif.
En France, pas de recommandation dans ce sens pour le moment. Mais, en 2012, le Conseil national du sida a rendu un avis sur le sujet : le CNS s'était dit favorable à un usage ciblé et personnalisé de la PrEP, qui n'est pas un outil de prévention "universel". Ce ciblage vise à éviter le relâchement dans les autres moyens de prévention, et notamment dans le port du préservatif.
Un éclairage devrait être apporté par l'étude Ipergay. Cet essai mené par l'Agence nationale de recherche sur le sida a démarré en février 2012. Il cherche à valider une piste que les scientifiques n’ont encore jamais explorée : l'association de tous les moyens de prévention validés (préservatifs, dépistages fréquents et traitement des infections sexuellement transmissibles) à la prise de Truvada à la demande, c'est-à-dire en fonction de l’activité sexuelle.