La Cour des Comptes a publié un rapport ce mardi faisant état des relations conventionnelles entre l’assurance maladie et les professions libérales de santé, à la demande la commission des affaires sociales du Sénat. Une partie est dédiée à la question des dépassements d’honoraires pratiqués par les médecins. Et le constat est sévère : les mesures prises pour limiter ces dépassement ont été "tardives et trop limitées".
Des dépassements excessifs
Une consultation chez un médecin généraliste coûte 23 euros. Son remboursement effectué par la sécurité sociale est de 15,1€. Les tarifs pratiqués par les médecins exerçant en secteur 2 sont libres et fixés par le médecin. Si la consultation du médecin généraliste en secteur à honoraires libres est de 50 euros, la sécurité sociale remboursera 70% de 23 euros au patient. C’est ce qu’on appelle le dépassement d’honoraires.
Les généralistes et les spécialistes du secteur 2, qui représentent respectivement une part de 9,5% et de 43% en 2013, sont autorisés à avoir recours à cette pratique depuis 1980, mais « avec tact et mesure ». Or, le dernier rapport de la Cour des Comptes dresse le constat de forts abus de la part des professionnels du corps médical. En 2012, les dépassements d’honoraires des médecins représentaient environ 2,4 Md€, dont 250 M€ pour les omnipraticiens et 2,150 Md€ pour les spécialistes. De plus, les niveaux de dépassement ont augmenté : le taux de dépassement global des spécialistes est passé de 23 % en 1985 à 56 % en 2013.
Des politiques inefficaces
Pourtant plusieurs tentatives pour limiter ses dépassements ont eu lieu. En 1990, l'entrée des médecins en secteur 2 est limitée, mais sans grande réussite : la part des spécialistes exerçant en secteur 2 est passée de 30 à 43 % entre 1985 et 2013.
En 2005, une convention préconisait d’appliquer les tarifs opposables (sans dépassement d’honoraires) pour les actes cliniques et de pratiquer des dépassements maîtrisés pour les consultations. Mais en 2009, 1 322 médecins y avaient adhéré et 727 seulement avaient respecté leurs engagements. Autant dire un chiffre très faible comparé aux 100 000 médecins qui exercent.
La même convention de 2005 prévoyait la création d’un nouveau secteur pour les domaines de la chirurgie, de l’anesthésie réanimation et la gynécologie obstétrique. Aux termes de ce texte, le praticien de l’un des domaines concernés s’engageait notamment à réaliser au moins 30 % de ses actes au tarif opposable et à facturer les autres actes uniquement avec des compléments d’honoraires égaux à 50 %. En contrepartie, les caisses devaient participer au financement des cotisations sociales des praticiens concernés. Toutefois, les dispositions visant à créer ce nouveau secteur ont été abrogées par l’article 49 de la LFSS pour 2013, à la suite du changement de majorité. Ce qui fait dire à la Cour des comptes que "les tentatives de régulation ont été avortées".
Des résultats timides
En 2012, peu après l’élection du président François Hollande, la nouvelle ministre de la Santé Marisol Touraine avait déclaré « faire de l’encadrement des dépassements d’honoraires, devenus dans certains cas insupportables, son premier objectif ». Dès octobre, les négociations reprennent et aboutissent à deux dispositifs : le contrat d’accès aux soins et une procédure de sanction des dépassements excessifs. Ils contiennent entre autres une procédure de sanction à l’encontre de tous les médecins du secteur 2 qui ne se soumettraient pas aux nouvelles réglementations, à savoir ne pas dépasser un taux moyen de 100 % de dépassement d’honoraires et stabiliser leurs tarifs et leur taux de dépassement calculés sur l’année 2012. S’il est encore un peu tôt pour déterminer l’efficacité de ces nouveaux dispositifs, la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts) observe néanmoins en 2013 « une baisse de 12 points du taux de dépassement des dépassements les plus élevés ». Pour les sages de la rue Cambon, c'est "un début de réponse dont l’impact reste à confirmer".