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Entretien avec le Pr Antoine Pelissolo

Somnifères : faible efficacité mais vraie dépendance

Par Léa Surugue

La Haute Autorité de Santé préconise de réduire le taux de remboursement de sept somnifères jugés peu efficaces. Cela ne devrait pas être suivi d'effets concrets, selon le Pr Pelissolo.

Bartee Rob/SUPERSTOCK/SIPA

4 millions de Français consomment chaque année des somnifères, un record parmi les pays européens. Une surconsommation que la Haute Autorité de Santé dénonce dans un communiqué, publié ce jeudi. Elle épingle notamment les somnifères à base de bénzodiazépines, qu'elle juge sans effets thérapeutiques sur le long terme, mais responsables de dépendances importantes chez les patients insomniaques.

Baisse du remboursement préconisée

Parmi ces médicaments figurent l'estazolam (NUCTALON), le loprazolam (HAVLANE), la lormétazépam (NOCTAMIDE), le nitrazépam (MOGADON), la témazépam (NORMISON), le zolpidem (STILNOX), la zopiclone (IMOVANE) et leurs génériques. « Sur une longue période », ces molécules ont une faible efficacité sur la durée du sommeil, et leurs effets sont délétères. Alors que leur durée de prescription est limitée à 4 semaines, leur consommation peut s’étendre sur plusieurs mois, voire plusieurs années, et entraîne parfois une dépendance. La Commission de la Transparence de la HAS a donc conclu à un intérêt thérapeutique limité de ces médicaments, préconisant une diminution du taux de remboursement à 15 %, contre 65 % auparavant.

Pour le Pr Antoine Pelissolo, psychiatre contacté par pourquoidocteur, cette recommandation soulève des problématiques complexes. Les prescriptions sont en effet trop longues, et les effets de ces médicaments s'amenuisent avec le temps. Mais pour les patients déjà sous traitement, s'en passer est très délicat en raison de la dépendance qu'ils engendrent.

Ecouter le Pr Antoine Pelissolo, psychiatre à l'hôpital Henri-Mondor (Créteil) : « L’utilisation des somnifères est en tout cas trop longue, et il y a une vraie dépendance pour les malades. »


Ces somnifères appartiennent aux benzodiazépines, qui ne soignent, selon lui, pas le mal, mais permettent d'en traiter les symptômes, et rendent quand même service aux insomniaques.

Des alternatives qui ne marchent pas
Le recours à des thérapies cognitivo-comportementales, recommandé en première intention par la HAS, est loin d'être disponible partout en France, ni même d'être totalement efficace. D'autres médicaments peuvent être utilisés, mais pour certains patients, notamment ceux souffrant de troubles psychiatriques, ils ne sont pas toujours d'une grande utilité.

Toutefois, encourager les médecins à tester d'autres alternatives médicamenteuses n'est pas une mauvaise idée, surtout en médecine généraliste. C'est en effet là que les patients sont les plus concernés par la surconsommation de somnifères. Mais éviter la benzodiazépine ne doit pas être la règle de prescription absolue.


Ecouter le Pr Antoine Pelissolo 
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« Le seul changement pour le patient, c'est si, dans les faits, il y a un déremboursement, mais c'est un signal fort pour inciter à plus de vigilance. »

 

Cette recommandation de la HAS ne devrait pour le moment n'avoir qu'un impact limité, car les médecins continueront à prescrire ces somnifères, du moins tant que le déremboursement n'est pas effectif.