La résistance aux antibiotiques faisait déjà des dégâts dans les années 1960. C’est ce qu’explique une équipe internationale dans la dernière édition de Nature Communications. Ses membres, dirigés par Philippe Glaser, de l’unité mixte CNRS/Institut Pasteur, ont découvert l’origine de l’explosion des infections néonatales dues au streptocoque B, observée dans les années 1960.
800 infections chaque année
En Europe, comme aux Etats-Unis, les médecins ont observé une hausse impressionnante des infections néonatales dues au streptocoque B. Cette bactérie, qui se situe dans le tube digestif, colonise les voies urogénitales et peut se transmettre au nourrisson au cours de l’accouchement. Chaque année en France, 800 infections de ce type surviennent, dont 50 à 100 s’avèrent fatales. Une bonne part des bébés survivants souffrent de séquelles sur le plan neurologique. Elle peut entraîner une septicémie, voire une méningite. Si, aujourd’hui, il est possible de dépister le streptocoque B et de le traiter en prévention, ce n’était pas le cas dans les années 1960.
Mais comment expliquer que l’on soit passé d’une quasi-absence des infections à un taux assez élevé de transmission ? Selon les résultats de l’étude, c’est l’antibiorésistance qui est à l’origine de cette explosion. L’équipe a séquencé puis comparé le génome de 230 souches du streptocoque B prélevées entre 1950 et aujourd’hui. Ils ont constaté que leur ADN était très peu varié, ce qui témoigne d’une origine commune, mais surtout récente.
90 % de souches résistantes
Par ailleurs, 9 souches sur 10 résistent à la tétracycline, un antibiotique autrefois très utilisé. Pour les chercheurs, nul besoin de s’interroger : le médicament était très largement prescrit en prévention ou en traitement d’infections variées. Les streptocoques, jusqu’alors peu dangereux, ont donc développé une résistance… Les variantes les plus solides ont été « sélectionnées » naturellement et se sont disséminées, aboutissant à la situation observée dans les années 1960.
L’intérêt d’une telle découverte est double. Il témoigne de l’ancienneté de l’antibiorésistance, mais surtout, il montre à quel point l’usage incontrôlé des antibiotiques peut entraîner des dégâts élevés. Car si la tétracycline n’est quasiment plus utilisée depuis une vingtaine d’années, les dommages liés à sa sur-utilisation sont toujours d’actualité et touchent une population particulièrement fragile.