Vous avez un environnement de travail de faible luminosité ? Pas de soucis. Car remettre à l’heure son horloge biologique sera bientôt possible ! En effet, pour la première fois, des scientifiques français (1) ont pu étudier dans des conditions réelles l’influence de divers types de lumières artificielles sur la manière dont l’horloge biologique se comporte dans des situations où la lumière naturelle est insuffisante. Et ils sont parvenus à montrer qu’une lumière artificielle particulière est capable d’assurer la bonne synchronisation des rythmes biologiques malgré l’absence de lumière solaire. Des résultats intéressants quand on sait que le dérèglement de cette horloge biologique entraîne des troubles du sommeil, de la vigilance, des problèmes cardiovasculaires et même la dépression. Ces travaux ont été publiés ce mardi dans la revue scientifique Plos-One.
Grâce à une lumière artificielle particulière
Pour arriver à cette conclusion, pendant 9 semaines d’hiver polaire (pas de lumière du soleil pendant la journée), les personnels de la station polaire internationale Concordia ont été exposés alternativement à une lumière blanche standard (que l’on trouve dans les bureaux ou les habitations) ou à une lumière blanche enrichie en longueurs d’ondes bleues (lumière fluorescente particulière, mais perçue comme étant blanche par le système visuel).
En pratique, les chercheurs ont demandé aux personnels de ne pas changer leurs habitudes quotidiennes, notamment leurs heures de coucher et de lever. Une fois par semaine, des prélèvements salivaires ont été effectués pour mesurer les taux de mélatonine (hormone centrale) secrétée par chacun des individus.
Dans le détail, une augmentation du temps de sommeil, une meilleure réactivité et une plus grande motivation ont été observées pendant les semaines « bleues ».
Par ailleurs, alors que le rythme circadien avait tendance à se décaler pendant les semaines « blanches », aucune perturbation de rythme n’a été observée pendant les semaines « bleues ». De plus, les effets n'ont pas disparu dans le temps.
D’une manière générale, l’étude montre qu’un spectre lumineux optimisé, enrichi en longueurs d’ondes courtes (bleu), peut permettre la bonne synchronisation du système circadien et l’activation de fonctions non visuelles, dans des situations extrêmes où la lumière solaire n’est pas disponible pendant de longues durées.
Enfin, l'étude prouve aussi qu'il n’est pas nécessaire d’utiliser des lumières bleues, ou bien des LED (diodes électroluminescentes), pour obtenir des effets positifs.
Bientôt des applications pratiques ?
Côté explications, les chercheurs affirment que l’efficacité d’un tel éclairage repose sur l’activation des cellules ganglionnaires à mélanopsine découvertes en 2002 dans la rétine. Ces cellules photoréceptrices sont effectivement essentielles à la transmission de l’information lumineuse vers de nombreux centres du cerveau dits « non-visuels ».
« Si les bienfaits de « la lumière bleue » sur l’horloge biologique ont déjà été montrés par le passé, toutes les études ont été réalisées dans des situations difficilement reproductibles dans des conditions réelles », explique Claude Gronfier, principal auteur de ce travail.
Selon lui, « ces résultats pourraient déboucher sur des applications pratiques rapidement. »
Par exemple, dans des environnements de travail dans lesquels l’intensité lumineuse est insuffisante (stations scientifiques polaires, centrales thermiques et nucléaires, centres spatiaux, bureaux aveugles, etc), cela pourrait permettre le design de stratégies lumineuses destinées à maintenir la santé, la productivité, et la sécurité des personnels.
« Au-delà d’un contexte professionnel, nous envisageons plus largement cette stratégie comme une approche pratique du traitement des troubles des rythmes circadiens du sommeil et des fonctions non visuelles dans des conditions où l’éclairage n’est pas optimal », conclut Claude Gronfier.
(1) Unité Inserm 846 « Institut cellule souche et cerveau »