Lundi, le Nigeria a confirmé un nouveau cas d’Ebola à Lagos, la plus grande ville d’Afrique de l’Ouest. Celui-ci portait à dix le nombre total de patients infectés par le virus à ce jour dans le pays, selon le ministère nigérian de la Santé. Pire encore, ce mardi Jatto Asihu Abdulqudir, un employé de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) est mort dans l'ex-capitale du Nigéria des suites d'une fièvre hémmoragique liée au virus Ebola à Lagos. Il s'agit du 3ème mort recensé à Lagos, ville de 15 230 000 d'habitants. Dans ce contexte, les experts du virus s'inquiètent des conséquences dramatiques si un foyer épidémique émergeait dans cette immense mégalopole.
Un foyer sur Lagos pourrait entraîner des dizaines de milliers de décès
Conctacté par la rédaction de pourquoidocteur, le Dr Eric Leroy, Directeur de Recherche à l’IRD (1), au sein de l’unité mixte de recherche "Maladies infectieuses et vecteurs : écologie, génétique, évolution et contrôle" explique : « L'épidémie en Afrique de l'Ouest est déjà d'une très très grande ampleur, mais imaginez un foyer qui se développe dans une mégapole comme Lagos. Là, ce ne sera pas un millier de morts qu'on aura, mais plusieurs dizaines de milliers de décès, avertit ce spécialiste du virus Ebola. « On a donc une justification claire pour se lancer dans le développement à grande échelle de vaccin pour avoir des mesures préventives », reconnait-il. En cela il rejoint l'avis de l'OMS qui s'est déclarée hier favorable à l'utilisation de traitements non homologués pour lutter contre l'épidémie d'Ebola qui sévit en Afrique de l'Ouest.
Pour expliquer la menace qui pèse désormais sur Lagos, le Directeur Général du Centre International de Recherches Médicales de Franceville au Gabon raconte que les équipes médicales sur place se sont heurtées à des barrières culturelles. « Les populations locales n'ont pas vraiment adhéré aux mesures qui doivent être appliquées sur le terrain. Le virus se transmet de personne à personne par des contacts physiques. Là-bas, certaines familles ont continué à soigner eux mêmes leurs malades. Elles ont donc parfois dissimulé les personnes contaminées. De plus, il y a dans ces pays une tradition d'exposer le corps au moment du décès. Et avant de l'enterrer certains personnes ont pour habitude de toucher le corps. Tout ça explique pourquoi des foyers ont éclaté à droite et à gauche. C'est ça qui s'est passé en Afrique de l'Ouest », poursuit-il.
Ecoutez le Dr Eric Leroy, Directeur de recherche à l'IRD : « Les mesures thérapeutiques et sanitaires s'avèrent parfois très compliquées. C'est pour cela qu'il faut se lancer dans le développement à grande échelle de vaccins...»
Enfin, ce spécialiste du virus Ebola maintient qu'un foyer sur Lagos est « possible ». « Car il y a déjà eu plusieurs cas qui sont arrivés sur Lagos en provenance du Libéria ou de Sierra Leone. Mais là, l'avantage, c'est que la personne qui a déclaré les symptômes a été rapidement prise en charge par les équipe médicales et isolée. Les patients infectés n'ont donc pas eu le temps de transmettre le virus. L'espoir, c'est donc que les quelques cas apparus à Lagos on pu être rapidement identifiés. Là ou le risque est plus important c'est si d'autres personnes malades ont rejoint cette mégapole sans que personne ne soit au courant. Dans ce cas, le malade a le potentiel de disséminer le virus un peu partout », conclut-il.
Ecoutez le Dr Eric Leroy : « Pour les cas déclarés, le risque de propager le virus à Lagos est minime car ils ont été isolés. Par contre, gros point d'interrogation sur de possibles patients qui seraient partis à Lagos à l'insu des systèmes de surveillance. »
(1) Institut de recherche pour le développement