Sakari Momoi, un Japonais de 111 ans a officiellement décroché ce mercredi le titre d'homme le plus vieux au monde. Avec cette distinction, cet ancien enseignant rejoint sa compatriote de 116 ans, Misao Okawa, au rang des doyens de l'Humanité.
Deux Japonais, aux deux premières places, une coïncidence ? Pas vraiment. L'espérance de vie des hommes japonais a franchi l'an dernier pour la première fois la barre des 80 ans, tandis que les japonaises détiennent la palme mondiale de la longévité (86,61 ans). Ainsi, environ un quart de la population du Japon est âgé de 65 ans et plus, une proportion qui devrait atteindre 40 % d'ici à 2060.
Conséquence, il y avait près de 55 000 centenaires répertoriés au Japon en septembre 2013, selon les statistiques officielles du ministère de la Santé. Un record dans le monde ! Mais alors, quel est le secret de longévité des Japonais ?
Le Pr Philippe Amouyel, spécialiste de la génétique de la maladie d’Alzheimer, à l'origine de la création de l’Institut de la longévité et du vieillissement, donne quelques clés de compréhension.
« Au Japon, les personnes âgées sont choyées »
Pr Philippe Amouyel : Au Japon, il y a une vraie valorisation de la personne âgée. Ce qui est d'autant plus important que leur population insulaire est en train de veillir. Donc, ils se préparent activement en développant des prises en charge familiales où la personne âgée passe au premier plan. Mais aussi, en développant par exemple des outils autour des robots pour aider les personnes âgées dans leur quotidien.
De plus, si l'on observe ce pays de plus près, on se rend compte que les Japonais prennent soin des personnes âgées également au sein même de leur famille. Chez eux, ils sont quasiment vénérés et très respectés. La prise en charge familiale est un élément très important pour vivre vieux et en bonne santé.
« Les Japonais bénéficient de prédispositions génétiques à la longévité »
Pr Philippe Amouyel : Souvent, les centenaires disposent de certains gènes de prédisposition. Soit à la protection, soit à la résistance de maladies. Pour les Japonais, il s'agit de gènes fréquents de protection aux risques cardiovasculaires. Ils ont cette particularité de faire moins de maladies cardiovasculaires de type "infarctus" que les autres.
Par ailleurs, ils ont certains gènes qui les empêchent de boire certains types d'alcool, car ils ne les tolèrent pas. Donc, ils les boivent plus modérément que le reste de la population. Du coup, ils sont moins prédisposés aux maladies liées à une consommation excessive d'alcool.
Enfin, plus on a des gens qui vivent vieux dans sa famille, plus vos propres chances de vivre jusqu'à un âge avancé sont importantes. C'est le cas de nombreux Japonais qui ont cette prédisposition individuelle.
« Une activité physique régulière et la méditation avantagent les Japonais »
Pr Philippe Amouyel : Les Japonais ont une grande habitude de développer des activités physiques qui ne sont pas du sport. Elles se rapprochent davantage de philosophies physiques qui les amènent à courir régulièrement, faire des étirements, et des mouvements (tai-chi-chuan). Celles-ci sont associées à des éléments de méditation que les Japonais pratiquent tous très régulièrement. Elles entraînent une diminution du stress et du coup aboutissent à une meilleure espérance de vie.
« Un régime alimentaire protecteur des maladies cardiovasculaires »
Pr Philippe Amouyel : Comme le régime méditerranéen, le régime japonais est protecteur des maladies cardiovasculaires. Ce dernier est riche en sucres lents. Avec énormément de riz et de poissons crus. Cela agit sur l'organisme avec des niveaux de triglycérides élevés, mais des niveaux de bon cholestérol (HDL) et mauvais cholestérol (LDL) relativement bas. Tout cela est protecteur contre les maladies cardiovasculaires.
Maintenant, quand on regarde des Japonais qui ne vivent pas au Japon mais aux Etats-Unis par exemple, ils prennent des habitudes alimentaires différentes et du coup, au bout de 5-15 ans, ils ont un risque cardiovasculaire qui se rapproche de celui des Occidentaux. Mais d'après mes connaissances, les Japonais à ce jour n'ont pas eu une invasion du mode d'alimentation occidental sur leur île.
« Les anti-oxydants ont des vertus reconnues »
Pr Philippe Amouyel : Concernant la plante miraculeuse (nommée "ghetto") de l'île d'Okinawa dont on parle parfois, je ne la connais pas. Mais ce que je sais, c'est qu'il existe des flavonoïdes (substances présentes dans les plantes) anti-oxydants qui semblent aujourd'hui protéger les cellules contre l'oxydation, au moins au niveau biologique cellulaire. Donc on pense que les régimes riches en ces substances (à base de raisins, grenades, fruits) semblent avoir ces éléments protecteurs. Toutefois, cet effet bénéfique se retrouve uniquement avec la consommation d'aliments. On ne le retrouve pas avec la prise de compléments alimentaires.
Quant au secret des centenaires, les gens ont toujours envie de trouver la bonne raison ou le secret. Pour moi, celui-ci ne se trouve pas au Japon. Je pense que les Japonais doivent ces bons résultats à un ensemble de facteurs. Leur culture, leur façon de vivre, ou encore les bonnes relations sociales qu'ils entretiennent entre eux. Le Japon sait en effet maintenir un lien social familial extrêmement important entre les différentes générations. C'est tout ça qui fait que de plus en plus de gens vivent de plus en plus longtemps au Japon.
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