Cinq fois plus d’hospitalisations pour anorexie chez des jeunes filles de poids normal en six ans. C’est le triste constat du Royal Children’s Hospital de Melbourne (Australie). Dans une étude parue dans Pediatrics, réalisée pendant 6 ans, une équipe de médecins livre un constat sans appel : des jeunes gens obèses ou en surpoids peuvent tomber dans l’anorexie et retourner à un poids normal. Les spécialistes appellent donc à une prise de conscience générale : l’anorexie n’attend pas la maigreur mais les complications liées à la privation surviennent systématiquement.
Quel bilan en France ?
« La boulimie nerveuse se développe énormément aujourd’hui, et donc les formes mixtes qui comportent anorexie mentale et boulimie nerveuse », précise le Dr Xavier Pommereau, contacté par pourquoidocteur. Une situation qui s'accompagne souvent de vomissements et d'hyperactivité physique. Ce spécialiste de la santé adolescente accueille régulièrement dans le Centre Abadie de Bordeaux (Gironde), des jeunes gens souffrant de troubles du comportement alimentaire. Et il livre le même constat que l’équipe australienne : de plus en plus d’adolescents de poids normal, mais anorexiques, sont accueillis au Pôle aquitain.
Ecoutez le Dr Xavier Pommereau, psychiatre directeur du Pôle aquitain de l'adolescent (centre Abadie à Bordeaux) : « On retrouve des situations similaires : des jeunes anorexiques avec un poids qui n’est pas bas parce qu’elles alternent restriction et boulimie avec des vomissements provoqués. »
Pourquoi cette augmentation ?
Si l’on observe davantage de TCA ne répondant pas aux critères de poids, c’est avant tout parce que ces troubles sont de plus en plus nombreux, estime le Dr Pommereau. Il met en cause une société « boulimique, d’hyperconsommation et à la fois du culte, du contrôle de l’image. » Et la tendance ne se limite plus aux « grands » adolescents. « Ils démarrent le plus souvent au début de l’adolescence, voire précèdent légèrement la puberté », précise le Dr Pommereau.
Ecoutez le Dr Xavier Pommereau, psychiatre : « J’ai tendance à mettre en cause le fait que les troubles graves de l’alimentation progressent, y compris chez les garçons. »
Quand faut-il s’inquiéter ?
Pour le Pr Susan Sawyer, directrice du Centre pour la Santé des adolescents à Melbourne, « les troubles du comportement alimentaire peuvent émerger à n’importe quel poids. » Le poids ne doit donc pas être un critère, c’est le comportement global du jeune qu’il faut observer. Même réponse du Dr Pommereau, qui distingue la frontière entre le normal et le pathologique. Il faut être attentif à tous les extrêmes, recommande-t-il. « Normalement, un ado ne peut pas dire combien de fois il a mangé des féculents dans la semaine. Un jeune qui souffre de TCA dira « J’ai déjà mangé deux fois des féculents, c’est une fois de trop. » Là, il vaut mieux consulter. »
Ecoutez le Dr Xavier Pommereau, psychiatre : « Tous les jeunes gens font attention à leur ligne. Plusieurs critères sont des signes de gravité, comme compter les calories. »
Comment reconnaît-on une anorexie ?
Finalement, l’anorexie mentale est une maladie bien plus complexe qu’une simple privation alimentaire excessive. Il s’agit bien d’une maladie mentale à part entière, dont la privation n’est qu’un symptôme.
Ecoutez le Dr Xavier Pommereau, psychiatre : « L’arbre cache la forêt. Les troubles renvoient à l’incapacité d’accepter qu’on change, à s’épanouir à travers ce qui se passe au niveau du corps. »
Et une privation alimentaire, même sans perte de poids, a de sérieuses conséquences sur la santé : troubles de croissance, des menstruations, cheveux cassants, dents abîmées, peau flétrie, perte musculaire et divers troubles métaboliques. Cette étude le confirme en comparant les adolescentes anorexiques maigres et leurs camarades de poids normal. Les jeunes femmes avaient des rythmes cardiaques aussi lents, elles présentaient autant de carences en phosphates dans le sang, ce qui peut entraîner des troubles musculaires, nerveux, hématologiques, osseux, rénaux et hépatiques.