Un bon repas est synonyme de plaisir. Mais pas pour tout le monde. Certains malades cardiaques qui doivent respecter une bonne hygiène de vie ont parfois perdu le goût de la bonne chair. Le retrouver n'est pas mission impossible, c'est ce que veut démontrer la Fédération française de cardiologie (FFC) qui organise, ce samedi à Paris, le 1er festival du Bien Vivre. Cette manifestation, qui veut « positiver la prévention », selon le Pr Claude Le Feuvre, président de la FFC, fournit d'ailleurs des conseils pratiques. Après avoir évoqué le rôle du stress et de l’activité physique, pourquoidocteur, partenaire du festival, se concentre sur l’alimentation et son impact sur le coeur.
Conjuguer plaisir de manger et prévention
Surpoids et obésité sont en pleine progression. Selon la dernière enquête ObEpi Roche (2012), 32 % des adultes sont en surpoids, 15 % présentent une obésité. L’alimentation n’y est pas étrangère : la malbouffe est parfois reine, et les plats préparés fournissent une solution rapide et convenable à ceux dont le quotidien est débordé. Sucres ajoutés, sel et matières grasses nocives sont les ingrédients de base de cette alimentation souvent plus pratique que diététique. Leurs dégâts sur le coeur sont considérables, puisqu’ils favorisent la survenue de maladies cardiovasculaires, comme une hypertension artérielle, un AVC ou un infarctus du myocarde. Mais il est possible, entre vie professionnelle et familiale, de prendre le temps de soigner son alimentation et d'y prendre plaisir.
pourquoidocteur a interrogé deux spécialistes sur leurs méthodes pour bien manger tout en prenant soin de son coeur. Le Dr François Paillard est cardiologue de la Fédération française de cardiologie. Joelma Leitao travaille comme chef cuisinier chez Sol Semilla (1). Cette Brésilienne adepte du végétalisme a grandi dans l’Amazonie. Dans sa cuisine parisienne, elle promeut les principes de l'alimentation traditionnelle, s’inspirant des recettes familiales.
Dr François Paillard, cardiologue à la FFC
Comment prendre soin de son coeur en mangeant bien ? Dr François Paillard : Il y a trois éléments à retenir. D’abord, il ne faut pas diaboliser les matières grasses. Les graisses insaturées, qu’on peut trouver dans les huiles végétales et les poissons gras, sont bonnes pour la santé cardiovasculaire. Le deuxième élément, c’est de manger des fruits et légumes tous les jours, parce qu’ils contiennent des antioxydants naturels. L'idéal est de respecter les « 5 portions de fruits et légumes par jour », mais il faut au moins un fruit et une portion de légume chaque jour. Le troisième point, c’est de réduire les apports en sel. On en consomme un tiers de trop par rapport aux recommandations (6 g par jour), ce qui favorise l’hypertension artérielle. Il ne faut pas rajouter de sel après la cuisson, et éviter les plats préparés. Je conseille aussi de limiter la consommation de pain, de charcuterie et de fromages. Les légumineuses sont intéressantes parce qu’elles apportent protéines, minéraux et fibres, et les noix sont riches en omégas 3.
"Je ne rajoute pas de sel dans les autres plats"
Mettez-vous ces conseils en pratique au quotidien ? Dr Paillard : J’essaie de me conformer à ces conseils quand je fais la cuisine. C'est plus difficile quand je mange au restaurant ou dans une cantine collective, ce qui m'arrive souvent. J’essaie aussi d’équilibrer. J’aime le pain, qui est très salé, avec du fromage. Je ne rajoute pas de sel dans les autres plats quand j’en mange. Et pour les matières grasses, je privilégie les plus saines.
Dr Paillard : Je pense que les 1er et 3e message sont les plus importants, mais souvent un peu déficients dans les restaurants. Je pense notamment au choix des matières grasses. La cuisine au beurre, qui est très bonne d’un point de vue gustatif, ne devrait être utilisée que lorsqu’elle est nécessaire pour le goût. Quant au sel, c’est un exhausteur de goût, mais les cuisiniers assaisonnent beaucoup, parfois trop. Je leur conseille de proposer des alternatives, comme différents types de poivre, ou des épices sans sel. Par contre, les restaurants proposent souvent des fruits et légumes, en garniture ou en dessert.
| Joelma Leitao, chef cuisinier chez Sol Semilla
Comment peut-on prendre soin de son coeur en cuisinant ? Joelma Leitao : Pour moi, cuisiner pour prendre soin de son coeur, c’est éviter les excès de gras. Je pratique une cuisine végétalienne, je n’utilise donc que des huiles vierges extras (colza, olive, coca) et j’évite les huiles saturées ou chauffées. Elles sont très importantes, mais elles doivent être consommées froides si possibles. Il y a plusieurs aliments qui sont très bons, notamment le cacao qui est riche en antioxydants. Dans ma cuisine, j’intègre aussi les superaliments (riches en nutriments, vitamines et principes actifs), les légumes, mais aussi le cacao cru, l’açai, l’urucum, les micro-algues… J’ai appris à cuisiner en Amazonie, ma mère connaissait les plantes et les racines bonnes pour le foie, les reins, le coeur… "Si j'utilise une légumineuse, je la mélangerai à des crudités"
Au quotidien, que faites-vous pour soigner votre coeur ? Joelma Leitao : J’utilise des superaliments que j’intègre en fin de cuisson, pour qu’ils gardent leurs bienfaits. C’est une cuisine bonne pour le corps, donc pour le coeur. Je fais aussi attention aux quantités et j’essaie de varier. J’évite beaucoup de cuisiner les légumineuses, les sucres lents, les viandes rouges et les pommes de terre, qui ralentissent la digestion. Si j’utilise une légumineuse, je la mélangerai à des crudités, des légumes de saison. Enfin, je marche beaucoup, je fais des étirements, du yoga, du pilates… je ne m’arrête pas à une pratique.
Joelma Leitao : Je lui conseillerais de varier son alimentation, c’est très important, et de manger à des horaires fixes. Je suis végétalienne, mais je ne dis pas qu’il faut le devenir pour être en bonne santé. Mais il faut être conscient de ce qu’on mange. Un cardiologue peut conseiller des cures alimentaires, de faire une diète tous les ans. Une monodiète, au moins une fois par mois, avec une pomme ou du chou, c’est aussi très bon. Je pense qu’il faut manger moins de viande, car les protéines sont longues à digérer. Mais il ne s’agit pas d’enlever un aliment, plutôt de les varier. |
(1) Sol Semilla est une marque qui promeut la diversité culinaire. Elle importe, transforme et distribue notamment des « superaliments » mais aussi des chocolats à base de cacao cru et des préparations alimentaires. Sol Semilla a également ouvert un « bar cantine boutique » à Paris.
(2) PNNS : Programme National Nutrition Santé.