« Je pouvais entendre les voix autour de moi, et je me suis rendu compte avec horreur que je m’étais réveillée au milieu de l’opération, mais je ne pouvais pas bouger un muscle. » Lorsqu’elle avait 12 ans, Sandra s’est réveillée au cours d’une opération d’orthodontie.
Comme elle, plus de 300 Britanniques et Irlandais ont subi un réveil peropératoire accidentel l’an dernier. C’est le résultat d’un rapport du Royal College of Anaesthesists et de l’Association of Anaesthesists of Great Britain and Ireland. Après avoir passé en revue les 3 millions d’anesthésies générales pratiquées l’an dernier dans les hôpitaux du pays, les chercheurs ont pu tirer une liste des situations à risque.
Un cas pour 19 000 opérations
Le réveil peropératoire accidentel est une des complications les plus redoutées des patients et des anesthésistes. Elle reste heureusement rare puisqu’elle ne survient qu’une fois pour 19 000 opérations sous anesthésie générale. Ces incidents surviennent souvent sur des durées courtes, avant l’opération ou lorsqu’elle s’achève, nous apprend ce rapport.
Cependant, un réveil en cours d’opération reste un événement traumatisant pour de nombreux patients. Entre panique, terreur et crainte de mourir, ils signalent aussi des sensations physiques : tiraillement, douleurs, sensation d’étouffement et même paralysie. Le sujet fascine à tel point qu'il a fait l'objet d'un film américain, sorti en salles en 2007. Awake raconte le réveil d'un jeune homme au cours d'une opération cardiaque, de son point de vue.
Sans surprise, parmi les patients qui ont signalé s’être réveillés, la moitié ont ressenti une détresse, et 41 % souffrent de troubles psychologiques sur le long terme, notamment de stress post traumatique. Sandra, par exemple, a fait des cauchemars réguliers pendant plus de 15 ans.
Plus de risques au cours d’une césarienne
« Les facteurs de risque sont complexes et variés », explique le Pr Jaideep Pandit, « et ils incluent le type de médicament utilisé, les caractéristiques du patient, ainsi que de nombreuses variables organisationnelles. Nous avons découvert que les patients les plus à risque de réveil peropératoire accidentel sont ceux qui subissent une césarienne ou une chirurgie cardio-thoracique, qui sont obèses ou qui ont du mal à ventiler au début de l’anesthésie. L’utilisation des médicaments d’urgence augmente le risque, tout comme certaines techniques d’anesthésie. Cependant, le facteur le plus notable, c’est le recours aux myorelaxants (relaxants musculaires, ndlr), qui empêchent le patient de bouger. » Utilisés pour sécuriser l’opération, ces médicaments sont aussi la principale source d’angoisse pour les opérés qui se réveillent.
Les chercheurs jugent toutefois ces résultats rassurants : non seulement les réveils peropératoires accidentels sont moins élevés qu’estimé jusqu’ici, mais en plus ils sont de mieux en mieux compris. Reste à travailler sur la manière de les prendre en charge. « Nous avons recommandé un changement dans les pratiques, pour minimiser l’incidence des réveils opératoires et, quand ils surviennent, s’assurer qu’ils sont reconnus et pris en charge de manière à limiter les effets à long terme pour les patients », signale le Pr Tim Cook, co-auteur du rapport. Ces recommandations incluent la mise en place d’une « check list » à remplir par l’anesthésiste, et une approche spécifique à la prise en charge des patients qui signalent s’être réveillés pendant l’opération.