« Les mots interdits, les tabous ça suffit. » Ces paroles scandées par Pierre Gattaz, font référence à la durée légale du temps de travail hebdomadaire en France : les 35 heures qui, selon le président du Medef, « ne sont plus d’actualité.» Pourtant, de nombreuses études scientifiques ont démontré que trop d’heures de travail par semaine nuisent à la santé. L’une des plus récentes est publiée dans l' American Journal of Industrial Medicine et affirme que travailler plus de 60 heures par semaine augmente de 42 % les risques de développer des cardiopathies coronariennes.
Mort subite au travail
Aux Etats-Unis, 18% des adultes travaillant à plein temps dépasseraient les 60 heures hebdomadaires, ce qui place les USA se situent au 2ème rang mondial en terme de productivité horaire, juste avant la France qui occupe la 3ème place. Dans l'hexagone, un salarié sur dix serait touché par le burnout. Un terme désignant une fatigue intense chronique pouvant conduire à un arrêt maladie et parfois des karoschi, ce phénomène de « mort subite » sur le lieu de travail. Le nombre d’heures passées à travailler est-il responsable de ces accidents ? « Travailler plus de 60 ou 70 heures par semaine est incontestablement dangereux pour la santé, mais c’est loin d’être le seul facteur à prendre en compte, » explique Patrick Légeron, psychiatre et directeur du cabinet de conseil « Stimulus. » Le médecin insiste sur l’importance de distinguer la quantité de travail fournie et l’intensité du stress que ce travail peut générer. « Travailler pendant 32 heures dans des conditions très pénibles, c’est déjà beaucoup trop, » explique t-il. Marie Pezé, psychanalyste et créatrice du réseau de consultation « Souffrance et travail » rejoint les propos du Dr Légeron. « ll est difficile de déterminer les risques provoqués par le nombre d’heures de travail. Une seule donnée ne suffit pas. »
La règle des 52/17
Une autre étude, cette fois-ci lettone, suggère que la combinaison parfaite est d’alterner 52 minutes de travail et 17 minutes de pause tout au long de la journée. Cet équilibre permettrait d’améliorer la productivité du salarié, selon les chercheurs. La question est de savoir si cela protège également des burn-out. « Le cerveau est comme une armoire. Si l’on y entasse sans arrêt des cartons sans jamais prendre le temps d’organiser le rangement, il arrive un moment où les portes s’ouvrent et les cartons nous tombent sur la tête. Faire le tri dans ses pensées se concentrer, réfléchir à un problème n’est pas du temps perdu, » estime Marie Pezé qui déplore « une course folle qui abîme le travail et les salariés.»
Workaholism
Autre risque pour la santé d’une quantité élevée de travail : la dépendance au travail. « Les personnes qui prennent beaucoup de plaisir à exercer leur travail prennent le risque de développer une forte addiction. A fortiori lorsqu'ils y consacrent beaucoup de temps. Et le jour où un revirement professionnel apparaît, ils s’écroulent. Ces gens là s’exposent davantage à des risques cardiaques et à des burn-out» explique le Dr Légeron.
Le travail est bon pour la santé dans des quantité raisonnables
Le directeur de « Stimulus » insiste également sur les risques représentés par le chômage. En effet, ce fléau aurait les mêmes conséquences néfastes pour la santé : accidents cardiovasculaires, développement de diabète, stress, dépression, suicide. « On dit que travailler peut tuer, en référence au tabac. Mais ce n’est pas la même chose ! Le tabac n’est pas jamais bon pour la santé. Tandis que le travail dans des conditions acceptables et en quantités raisonnables peut être bénéfique pour la santé. »