Près de 10 500 Français mettent fin à leur jour chaque année. Au sein de l’Union Européenne, la France accuse le 5e taux de décès par suicide pour les femmes et le 7e chez les hommes. Pour le Haut Conseil de la santé publique, qui vient de publier une comparaison des systèmes sanitaires européens, cette forte mortalité par suicide est l’un des principaux points faibles du système français. Et le problème n’est pas nouveau. On dénombrait déjà 12 500 décès annuels par suicide au milieu des années 80. Même si l’alcoolisme constitue un facteur de risque important de suicide en France, il ne peut expliquer à lui seul les mauvais chiffres français par rapport à nos voisins.
Pourtant, la détection et la prise en charge de la dépression ont progressé. Des programmes de prévention du suicide ont notamment ciblé les 15-25 ans et les plus de 65 ans, deux populations particulièrement à risque.
Mais pour les spécialistes comme pour les associations, la France n’est pas allée assez loin. Elle souffre aujourd’hui de l’éparpillement des dispositifs de prévention. Or ailleurs, les actions d’envergure nationale portent leurs fruits. L’Australie a ainsi mené il y a quelques années une campagne de rachat des armes à feu peu utilisées car posséder une arme chez soi réduit le délai de réflexion avant le passage à l’acte. Dans une crise suicidaire, les psychiatres distinguent en effet 4 étapes : l’idée, l’intention, la programmation puis le passage à l’acte. Mais ce processus peut être interrompu jusqu’à la dernière minute puisque les personnes suicidaires restent dans le doute et l’ambivalence jusqu’au bout. De petits messages peuvent donc désamorcer leur geste.
Pr Jean-Louis Terra, psychiatre à l’hôpital du Vinatier à Bron (69) : « Il suffit d’un signal qui montre que la société est prête à les aider »
Selon le baromètre santé de l’Inpes en 2010, 5,5% des Français ont fait une tentative de suicide au cours de leur vie. Plusieurs millions de personnes sont donc concernées et elles n’ont pas forcément de contact avec le corps médical. Or être écouté au bon moment peut être une véritable bouée de sauvetage. Pour un proche, un collègue ou même un inconnu, chacun d’entre nous peut intervenir.
Pr Jean-Louis Terra : « Chaque citoyen peut être un secouriste psychique »
Il faut réussir à poser des questions précises pour explorer jusqu’où va la souffrance de l’autre. Exprimer ce qui l’incite à en finir peut permettre aussi de réaliser ce qui le retient à la vie. Estimer le degré d’urgence et la suite à donner peut être difficile. Mais ce n’est finalement pas l’objectif premier du secouriste psychique, ce qui compte par dessus tout, c’est la main, ou plutôt l’oreille tendue au bon moment qui permet de rompre l’isolement.
Faire naître cette culture de la prévention du suicide chez chaque Français ne se fera pas sans une implication forte des pouvoirs publics. « A travers des campagnes nationales pérennes, pas en une seule journée de prévention par an qui retombe comme en soufflé », prévient Jean-Louis Terra.
Cette implication des pouvoirs publics est également espérée par le Haut conseil de la santé publique. Pour son président Roger Salamon, cette comparaison des systèmes de santé européens doit servir de boussole aux décideurs en santé publique. La France apparaît certes comme la championne de l’espérance de vie et une bonne élève européenne en matière de natalité, de prévention cardiovasculaire et de sécurité routière. Mais sa boussole continue d’indiquer le suicide et les addictions notamment à l’alcool, au tabac et au cannabis.