1,4 million d’infections par Ebola d’ici janvier 2015, et un taux de létalité supérieur aux estimations. Les dernières estimations des Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) et de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) dressent un tableau bien sombre. L’épidémie qui fait rage en Afrique de l’Ouest depuis mars dernier atteint une ampleur jusqu’ici inconnue. Et les soignants présents sur le terrain passeraient à côté de nombreux cas.
Un croissance exponentielle
Au 20 janvier 2015, 550 000 à 1,4 million de personnes risquent d’être infectées par le virus Ebola, estime le CDC d’Atlanta dans un nouveau rapport. Dans une conférence de presse, son directeur a même indiqué que l’OMS sous-estime largement le nombre de cas : il y en aurait en réalité 2,5 fois plus. Pour parvenir à ces conclusions, l’agence américaine a utilisé de nombreuses données récoltées sur le terrain, notamment le nombre de personnes potentiellement infectées par chaque patient déclaré. L’OMS reconnaît aussi la gravité de la situation : la barre des 20 000 cas devrait être atteinte début novembre, et non fin décembre.
Le taux de reproduction est en effet très élevé, confirme l’OMS dans le New England Journal of Medicine. Les cas doublent tous les mois en Sierra Leone, toutes les 3 semaines au Liberia et toutes les 2 semaines en Guinée. « La chose importante à retenir, c’est qu’on observe toujours une croissance exponentielle et qu’il faut l’arrêter », souligne Christl Donnelly, co-auteur de l’étude. Toutefois, notent les CDC, ce taux était plus élevé au début de l’épidémie.
La menace d’une endémie
Le taux de mortalité estimé livre aussi de mauvaises surprises : il est de 70 %, selon l’OMS. Mais il pourrait être abaissé à 50 % avec une prise en charge adéquate (en centre spécialisé ou à domicile, de manière à ne pas infecter ses proches). Pour endiguer les infections, il faut une action soutenue et massive, s’accordent à affirmer les deux organismes. La menace est réelle puisque l’épidémie pourrait « devenir endémique parmi la population humaine d’Afrique de l’Ouest, une considération qui n’avait jamais été envisagée auparavant », soulignent les auteurs de l’étude parue dans le New England Journal of Medicine.
La réduction des infections ne se fera qu’à une condition, conclut le CDC d’Atlanta à travers son directeur, Tom Frieden : une prise en charge de 70 % des patients infectés. Encore faut-il pour cela identifier ces derniers. La tâche se complique encore. Pour chaque mois supplémentaire dans l’hospitalisation de 70 % des malades, le nombre de cas risque de tripler. « Les délais coûtent énormément en termes de vies et d’efforts », a souligné Tom Frieden.
Il faut également compter sur les dégâts collatéraux de l’épidémie, rappellent les spécialistes Jeremy Farrar et Peter Piot dans un article associé à l’étude de l’OMS. « L’Afrique de l’Ouest va connaître bien plus de souffrances, de décès liés à l’accouchement, le paludisme, la tuberculose, le VIH, les maladies entériques et respiratoires, le diabète, le cancer, les maladies cardiovasculaires et la santé mentale pendant et après l’épidémie d’Ebola », précisent les deux hommes. « Il existe un danger d’effondrement total de la société civile, à mesure que les communautés désespérées perdront foi en le système en place. »