Revenir aux origines du sida. C'est le défi que s'était lancé une équipe internationale de chercheurs dont le but était de reconstituer l'histoire génétique du rétrovirus VIH (virus de l'immunodéficience humaine) responsable du sida, en se concentrant sur la souche du groupe M, la plus fréquente. Ces scientifiques ont publié jeudi leurs résultats dans la revue scientifique Science.
Le train comme vecteur
Selon ces travaux, la pandémie de sida aurait débuté à Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo (RDC), dans les années 20, avant de se propager dans le monde en pleine mutation. Les chercheurs ont remonté le fil de cette infection responsable de 36 millions de morts.
Comment l'expliquer ? Les analyses du groupe de chercheurs des universités britannique d'Oxford et belge de Louvain laissent penser qu'entre les années 1920 et 1950, une combinaison de facteurs, dont l'urbanisation rapide, la construction des chemins de fer en République démocratique du Congo (RDC), alors le Congo belge, ont favorisé l'émergence et la propagation du sida à partir de Kinshasa.
Là-bas, le développement des chemins de fer a en effet joué un rôle clé dans le développement de la pandémie à ses débuts en faisant de Kinshasa une des villes les mieux desservies de toute l'Afrique centrale, une plaque-tournante.
« Les informations des archives coloniales indiquent qu'à la fin des années 40, plus d'un million de personnes transitaient par Kinshasa par le train chaque année », précise Nuno Faria, de l'Université d'Oxford, l'un des principaux auteurs de l'étude.
« Nos données génétiques nous disent aussi que le virus VIH s'est propagé très rapidement à travers le Congo, d'une superficie équivalente à l'Europe de l'Ouest, se déplaçant avec des personnes par les chemins de fer et les voies d'eau », rajoute-t-il.
Le VIH identifié pour la première fois en 1981
Par la suite, le VIH a pu atteindre Mbuji-Mayi (RDC) et Lubumbashi (RDC) dans l'extrême Sud et Kisangani dans le Nord entre la fin des années 30 et le début des années 50. Ces migrations ont permis au virus d'établir les premiers foyers secondaires d'infection dans des régions qui disposaient de bons réseaux de communication avec des pays du sud et de l'est de l'Afrique, selon ces chercheurs.
Par ailleurs, ces chercheurs pensent que « les changements dans la société, qui se sont produits au moment de l'indépendance du Congo en 1960, ont aussi probablement fait que le virus a pu s'échapper de petits groupes de personnes séropositives pour infecter des populations plus étendues, avant de se propager dans le monde » à la fin des années 70. Pour rappel, le VIH a été identifié pour la première fois en 1981.
Enfin, « outre le développement du transport, certains changements dans les attitudes sociales, notamment parmi les travailleurs du sexe, ainsi qu'un plus grand accès aux seringues que se partageaient les toxicomanes, dont certains étaient infectés, ont fait flamber l'épidémie partout dans le monde », concluent-ils.
Carte de l'évolution spatiale en Afrique du VIH-1 du groupe M (de Kinshasa en 1920 à nos jours)
Source : Science