Grosse fringale ou appétit complètement coupé. L’estomac est parfois bien capricieux. Et les bactéries intestinales ne sont pas tout à fait innocentes dans l'histoire. Récemment, une étude américaine a affirmé que le microbiote pouvait influencer certaines de nos envies alimentaires. Aujourd’hui, des chercheurs de l’Inserm publient une étude dans laquelle ils expliquent que la flore intestinale est en partie responsable des troubles du comportement alimentaire tels que l’anorexie et la boulimie (TAC)
Perturbation de l’hormone de satiété
Selon les chercheurs de l’unité « Nutrition, inflammation et dysfonction de l’axe intestin-cerveau » de l’université de Rouen et de l’Inserm, la protéine CIpB, produite par certaines bactéries intestinales de type Escherichia coli, serait responsable des TAC. Cette protéine induit alors la création de cellules anticorps.
Ces cellules vont se liguer avec la mélanotropine, que l’on désigne communément comme l’hormone de la satiété, pour lutter contre la protéine CIpB. Une lutte qui perturbe les effets de l’hormone de satiété. Ainsi, l’effet satiogène de la mélanotropine peut être intensifié et provoquer une perte d’appétit (que l’on peut retrouver dans l’anorexie). A l’inverse, il peut être annulé, ce qui peut entraîner des comportements boulimiques.
C’est en analysant les données de 60 patients atteints de TAC que les chercheurs de l’Inserm ont soupçonné le rôle de la bactérie CIpB. Ils ont ensuite réalisé des tests sur des souris en modifiant la composition de leur flore intestinale pour vérifier l’impact de la protéine sur le microbiote. Le taux de cellules anticorps contre la melanotropine du premier groupe de rongeurs ayant reçu des bactéries mutées ne produisant pas de CIpB est resté intact. En revanche, le second groupe à qui on a implanté la protéine CIpB a présenté une modification du taux de cellules anticorps.
Des nouvelles perspectives de traitements
Les chercheurs voient donc dans ces découvertes une nouvelle piste de diagnostic et de nouveaux traitements spécifiques pour les TAC. « Nous travaillons actuellement au développement d’un test sanguin basé sur la détection de la protéine bactérienne CIpB. Si nous y arrivons, il permettrait la mise en place de thérapies spécifiques et individualisées des comportements alimentaires », estiment les auteurs principaux de l’étude Pierre Déchelotte et Serguei Fetissov. Les chercheurs effectuent par ailleurs des tests sur les souris afin de savoir s’il est possible de neutraliser la protéine bactérienne.
Ces derniers rappellent toutefois que ce n’est pas un critère suffisant pour venir à bout de ces maladies. « Il ne faut pas oublier que ces pathologies sont aussi associées à des troubles psychologiques qu’il faut prendre en compte », rappelle Sergeï Fetissov.