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Dyslexie, dyspraxie, dysphasie...

Journée des "dys" : comment repérer les troubles de l'apprentissage

Par Bruno Martrette

Pour la 8ème année consécutive, des associations organisent la Journée des Dys. Cet évènement a pour but de mieux sensibiliser au repérage et au diagnostic de la dyslexie, dyspraxie, et dysphasie.

Albert Cesare/AP/SIPA

« Il faut vraiment les différencier d'une déficience intellectuelle ! » C'est l'un des mots d'ordre de la Journée nationale des « dys » organisée ce samedi partout en France. Pour la huitième année consécutive, elle va mobiliser les associations dans le but de mieux faire connaître ces troubles liés à un dysfonctionnement d’une fonction cognitive particulière (le langage, l’attention, le geste, le calcul, etc).

Ces troubles concernent 4 à 8 % de la population Française. Ils rassemblent notamment la dyslexie (spécifique de la lecture), la dysorthographie (pour ce qui est de l’expression écrite) et la dyscalculie (relative au calcul) qui sont les plus connus. 
Plus concrètement, cet événement vise à sensibiliser la population en vue d’un meilleur repérage et diagnostic de ces troubles de l’apprentissage. Contactée par pourquoidocteur, Diane Cabouat (1), vice-présidente de la Fédération Française des Dys (FFDys) explique comment les parents peuvent au plus tôt les repérer chez leurs enfants.

Quels sont les signes qui peuvent mettre en alerte les parents ?
Diane Cabouat : Pour répondre à cette question, il faut d'abord distinguer les grandes familles de « dys ». La première famille est celle de la dyslexie qui va souvent avec la dyscalculie, et la dysorthographie. 
Mais si on prend uniquement la dyslexie, c'est celle qui se repère le plus tardivement puisqu'on ne peut soupçonner une dyslexie qu'à partir du moment où l'enfant apprend à lire (cours préparatoire, CP). Et le diagnostic lui-même ne peut être posé que plus tard. En fait, il faut que l'enfant ait un décalage par rapport à sa classe d'âge de deux ans. C'est le trouble qu'on dépiste le mieux car on voit chez ces enfants que l'apprentissage de la lecture est beaucoup plus compliqué que chez les autres. Chez eux, la lecture reste fragile, et ils se fatiguent très vite en lisant. A cause du dysfonctionnement d'une de leurs fonctions cognitives, ces enfants ne fonctionnent pas comme les autres. Et même si on essaye de contourner le problème ou d'apprendre différemment on voit que ça ne rentre toujours pas. Dans ce cas précis, les parents ou les enseignants doivent s'interroger.

La dyspraxie et la dysphasie comment les repère-t-on ?
Diane Cabouat : Tout d'abord, elles constituent les deux autres grandes familles des « dys ». Les dyspraxies peuvent se détecter plus jeune, en maternelle. C'est l'exemple d'un enfant qui n'arrive pas à décoller une gommette pour la coller, ou à manier les ciseaux comme tout le monde. Il fait aussi tomber beaucoup de choses par terre. En fait, ces enfants sont plus maladroits que les autres. Et la maturité motrice ne se fait pas chez eux, malgré les mois qui passent. 
Pour la dysphasie, ça se repère aussi en général plus jeune. Ce problème de langage oral est plus difficile à détecter dans les familles étrangères. Chez les familles de langue française ce sont des enfants qui parlent très peu. Ils n'arrivent pas à faire des phrases complètes et utilisent toujours deux mots, sans avoir recours aux pronoms par exemple. Vraiment, on voit que chez eux le langage ne se met pas en place comme chez les autres enfants. C'est très difficile car souvent ces enfants sont très intelligents en plus, mais ils ne comprennent pas le langage. En fait, c'est comme si on leur parlait une langue étrangère.

En cas de suspicion, qui doit-on consulter ?
Diane Cabouat : Pour la dyslexie, on commence souvent par aller voir son généraliste. Et c'est ce dernier qui va très rapidement vous renvoyer vers un orthophoniste. Il s'agit du professionnel numéro un pour dépister ce type de trouble. S'il est léger, l'orthophoniste est la personne qui pourra, en plus de le détecter, aider le patient. Le problème est qu'avec ces enfants il ne faut pas passer à côté de quelque chose d'autre (problème d'audition par exemple). Donc, selon le degré du trouble dyslexique, on conseille aussi de faire un bilan pluridisciplinaire. En général, il y aura en plus de l'orthophoniste une équipe composée d'un psychomotricien, d'un ergothérapeute, d'un psychologue, voire d'un neuropsychologue. Tous ensemble vont mesurer grâce à des tests les capacités de l'enfant. Le but, c'est d'écarter l'hypothèse d'un problème sensoriel, et de la déficience intellectuelle. La dyslexie n'a rien à voir avec cette dernière. 
Pour la dyspraxie par contre c'est toujours une prise en charge pluridisciplinaire qu'il faudra mettre en place, avec des tests neuropsychologiques pour poser le diagnostic.
Au passage, il ne faut pas oublier la dyspraxie visuo-spatiale qui est un problème du geste de l'oeil où l'enfant a du mal à suivre les lignes. En fait, ces enfants là ne rentrent pas dans la lecture et ils se perdent car ce qu'ils lisent n'a plus de sens. Dans ce cas les parents peuvent se tourner vers un orthoptiste qui fera de la rééducation des yeux pour aider l'enfant à bien fixer son regard.
Enfin, la disphasie a elle aussi une prise en charge pluridisciplinaire. Avec ce trouble sévère du langage on doit éliminer d'entrée un doute sur la surdité de l'enfant.

Quel est l'intérêt de ne pas attendre et de repérer tôt ?
Diane Cabouat : Pour la dyslexie c'est important d'aller voir rapidement un orthophoniste. Plus on s'en occupe tôt, plus on peut mettre en place des stratégies. Avant que les apprentissages se fassent. Si c'est fait, ces enfants apprennent mieux dès le départ et avec les bonnes bases. Mais surtout, agir de façon précoce permet d'éviter le surhandicap. C'est-à-dire que si l'on s'en occupe pas, l'enfant aura toujours quelque chose qui ne marche pas bien, sans savoir quoi. Et petit à petit il risque de se sentir dévalorisé, et de perdre son estime de lui-même. Résultat, des troubles psychologiques peuvent se surajouter au « dys ». Cela peut arriver chez l'enfant qui va se replier, et ne pas aller vers ses camarades. Tout simplement parce qu'il n'est pas bien dans sa peau. 
L'intérêt de dépister tôt est le même pour tous les « dys ». Ces enfants ne doivent pas perdre leur estime de soi. 

Des exemples de stratégies que mettent en place les professionnels ? 
Diane Cabouat : Pour la dyspraxie visua-spatiale par exemple on peut mettre en place des aménagements. On va augmenter l'espacement entre les mots et les lignes. On va aussi surligner une ligne d'une couleur et alterner. L'idée c'est de mettre en place des repères dans l'espace.
Concernant le reste des dyspraxiques qui ont du mal avec le geste on peut prendre la décision d'avoir recours à l'ordinateur à l'école. Car l'écriture est un geste très compliqué pour eux. Taper sur la lettre A est une tâche moins complexe que l'écrire.
Enfin, pour la dyslexie, on peut envisager la synthèse vocale. Cette technique informatique de reconnaissance automatique de la parole permet d'analyser la parole captée au moyen d'un microphone pour la transcrire sous la forme d'un texte exploitable. Bien utilisée, cette technologie se révèle efficace et peut soulager l'élève de la contrainte de l'orthographe des mots pour qu'il se concentre uniquement sur la rédaction du texte.

Enfin, connaît-on l'origine de ces troubles ? 
Diane Cabouat : Avec ces enfants on exclut de façon catégorique la déficience intellectuelle (handicap mental) qui n'a pas lieu d'être évoquée une fois le diagnostic d'un « dys » posé. Les personnes touchées par ces dysfonctionnements ont une ou plusieurs fonctions cognitives qui sont atteintes et marchent mal.
Mais à côté de celles-ci, ils en ont d'autres qui marchent bien, voire même très bien. Par exemple, dans le cadre de la dyspraxie, on rencontre souvent des enfants dyspraxiques qui sont précoces. En fait, les professionnels et les familles vont s'appuyer sur ces autres fonctions cognitives très performantes pour aider l'enfant. Ainsi, ces enfants pourront développer toutes leurs capacités et leur potentiel. En conclusion : aucun jugement de valeur envers ces enfants ne doit exister. 


(1) Vice-présidente de l'association Dyspraxie France Dys (DFD)