ACCUEIL > QUESTION D'ACTU > Etiquetage nutritionnel : l'initiative de Carrefour contestée par 85 experts

Tribune dans le JIM

Etiquetage nutritionnel : l'initiative de Carrefour contestée par 85 experts

Par la rédaction

Carrefour veut mettre en place avant la fin de l’année son étiquetage simplifié sur l’emballage de ses produits. Dans une tribune, 80 experts en nutrition s'y opposent et parlent d'une opération marketing.    

JACQUEMART JENNIFER/ISOPIX/SIPA
MOTS-CLÉS :

« Pour un étiquetage nutritionnel simple, intuitif et compréhensible par tous sur la face avant des emballages des aliments. » C'est le nom de la tribune publiée ce lundi dans le JIM.fr par 85 spécialistes de la nutrition, de la santé Publique, de la pédiatrie, et de la cardiologie. Par cette initiative, ils répondent en fait à l’annonce récente du groupe Carrefour. Celui-ci souhaite mettre en place un système d’étiquetage nutritionnel simplifié avant la fin de l’année sur l’emballage de ses produits de marque.

L'étiquetage Carrefour pas validé scientifiquement
En détails, les signataires rappellent que l’engagement d’un grand opérateur économique pour promouvoir la transparence sur la qualité nutritionnelle des aliments serait intéressant « s’il répondait réellement à une démarche de santé publique en cohérence avec la dynamique actuellement proposée par le ministère de la Santé. »
Pire encore pour ces spécialistes, le système proposé est particulièrement critiquable car les seuils, la forme et les messages retenus ont été fixés sans aucune validation scientifique concertée par des experts indépendants et des consommateurs. D’autre part, il est mis en place sans attendre le cadre d’un système unique officiel validé par les pouvoirs publics.
Une initiative dommageable, selon ces experts, car la proposition de ce cadre avait précisément pour but « d’éviter que chaque opérateur économique fixe ses propres seuils et la forme de son logo et attribue lui-même les notes à ses produits. »
Pour rappel, l’ANSES (1) a été saisie pour fixer d’ici le mois de novembre les 4 seuils qui permettront de définir les 5 catégories de qualité nutritionnelle pour les aliments (comme préconisé dans le rapport du Pr Serge Hercberg).

Un facteur de confusion majeur pour les consommateurs
Par ailleurs, ces professionnels pensent que l'étiquetage Carrefour dévoie justement cette proposition de système coloriel à 5 couleurs du rapport Hercberg, « en supprimant une des 5 catégories proposées, la catégorie "rouge". Aucun argument ne justifie ce retrait, au contraire les travaux épidémiologiques et d’économie expérimentale soulignent l’intérêt et l’absence de culpabilisation de la pastille rouge sur un logo coloriel (utilisé ou préconisé dans d’autres pays européens). »
Enfin, dernière critique des signataires à l'encontre de l'étiquetage Carrefour, il véhiculerait « des messages d'accompagnement de type "prescriptif" (1 fois par jour, 2 fois par jour, 3 fois par jour,...) indéfendables sur le plan scientifique. Cet affichage sera un facteur de confusion majeur pour les consommateurs (par exemple dans le catalogue proposé, la pizza au fromage est "à consommer 1 fois par jour", le dessert stracciatella "2 fois par jour", la boîte de petits pois "3 fois par jour"...) », pensent ces spécialistes de la nutrition.

Une pétition qui a déjà recueilli 24 000 signatures 
En réaction, les signataires de cette tribune demandent au groupe Carrefour de renoncer « à la mise en place de son système inacceptable sur le plan scientifique et de santé publique et de reprendre son initiative dès que le système unique validé par les pouvoirs publics sera officialisé. »
Et aux parlementaires « de voter le principe d’un étiquetage nutritionnel simplifié unique, tel qu’il figure dans le projet de Loi de Santé Publique »
Enfin, aux pouvoirs publics « de publier dès maintenant le format de cet étiquetage correspondant au système coloriel à 5 couleurs s’appuyant sur les seuils fixés par l’ANSES. »
C’est dans cette démarche qu’une pétition citoyenne sur Internet a été lancée par 33 sociétés savantes et associations qui soutiennent cette tribune. A ce jour, celle-ci est déjà forte de plus de 24 000 signatures.

(1) Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail