« 500 000 infirmières n’ont reçu aucune information sur Ebola, autre que celle du grand public ! ». Thierry Amouroux, secrétaire général du syndicat d’infirmiers SNPI-CFE-CGC, ne décolère pas. Depuis le début de l’épidémie, il l’affirme : les infirmiers sont les grands absents de la campagne d’information sur Ebola.
« Ni le ministère, ni les Agences Régionales de Santé n’ont fait redescendre l’information jusqu’à nous. Résultat : quand un patient veut avoir des éclaircissements sur le virus, nous ne sommes pas forcément en mesure de répondre. Pas très rassurant pour le public ! » Pire encore, selon le syndicaliste, « les infirmiers ne savent même pas quand leur hôpital est un établissement de référence… Le service de maladies infectieuses et les urgences sont au courant. Mais demandez aux blouses blanches dans les couloirs, vous aurez des réponses étonnantes ! »
Ecoutez Thierry Amouroux, secrétaire général du syndicat d’infirmiers SNPI-CFE-CGC : « Des choses très simples peuvent se mettre en place »
Un « mépris à l’égard des blouses blanches »
Pourtant, l’information existe. Le ministère de la Santé héberge notamment un site Internet entièrement consacré à Ebola, avec des recommandations à destination des professionnels de santé. La Haute Autorité de santé (HAS) produit régulièrement des communiqués précisant la procédure à suivre si un cas suspect se présente dans un cabinet ou un hôpital de quartier.
D’ailleurs, le ministère de la Santé rejette en bloc les accusations du syndicat d’infirmiers. Son service de presse explique ainsi que « comme tous les professionnels de santé, les infirmiers sont informés par des messages électroniques diffusés par la Direction générale de la santé (DGS), les « DGS-urgent ». En outre le site Internet de l’Assurance maladie a mis en ligne une rubrique Ebola pour les infirmiers. « Quant aux infirmiers libéraux, la caisse nationale dassurance maladie (CNAMTS) a adressé des mails d’information individuels à chaque infirmier libéral », insiste le service de presse.
Mais ce n’est pas assez, à en croire Thierry Amouroux. « Nous avons dû produire nous-mêmes un condensé des informations disponibles ça et là. Les infirmiers ont autre chose à faire que de passer une journée à faire des recherches sur Internet ! »
L’origine de ce « silence » ? « Un certain mépris à l’égard des infirmiers, affirme Thierry Amouroux. Pour le gouvernement, les blouses blanches sont des auxiliaires médicaux, des agents d’exécution, mais pas des professionnels de santé à part entière ».
>> Ecoutez Thierry Amouroux : « Déjà, à l’époque de H1N1, les autorités avaient communiqué auprès des médecins, mais pas des infirmiers ».
Les médecins satisfaits
De fait, du côté des médecins, le son de cloche n’est pas le même. Si Ludovic Toro, le maire de Coubron (Seine-Saint-Denis), généraliste de profession, a lui aussi dénoncé ce manque d’information sur Ebola, il semble plutôt isolé parmi les siens. Pour la Fédération des Médecins de France, le niveau d’information est satisfaisant. « J’ai reçu des tas d’alertes concernant Ebola, de la HAS, de la DGS », insiste Jean-Paul Hamon, président d'un syndicat de médecins libéraux, la Fédération des Médecins de France (FMF).
« Certes, il peut y avoir des situations un peu cocasses. Hier encore, une personne qui revenait d’Afrique s’est présentée avec de la fièvre dans un hôpital. On voulait l’emmener au centre de référence, mais comme elle ne venait pas de l’un des trois pays touchés par l’épidémie, on l’a transférée à Percy… Bon, au bout du compte, le centre de référence a dit : « stop ». On l’a donc traitée comme un patient normal ».
« Elle est là, la porte d’entrée ! »
Pour Jean-Paul Hamon, « il peut clairement y avoir des trous dans les procédures », mais le manque d’information n’en est pas la cause. « A la rigueur, on pourrait s’inquiéter du manque de matériel. Actuellement, les médecins ont leurs gants et leur masque… et c’est tout ! ». Mais il s’interroge : « Faut-il pour autant équiper tout le monde ? N’est-ce pas en faire trop ? »
Mais en attendant, les infirmiers s’alarment. Dans les pays d'Afrique où l'épidémie sévit, on recense 395 cas et 216 décès parmi les blouses blanches. En Espagne et aux Etats-Unis, deux infirmières ont été contaminées par des patients Ebola. Thierry Amouroux le martèle : « Elle est là, la porte d’entrée ! »