ACCUEIL > QUESTION D'ACTU > Les futurs médecins refusent les contraintes à l'installation

Déserts médicaux

Les futurs médecins refusent les contraintes à l'installation

Par Afsané Sabouhi

Hôpitaux à bout de souffle, désaffection de la médecine générale, déserts médicaux … Les futurs médecins ne veulent pas payer pour toutes les failles du système de santé.

Manifestation des internes en 2007 contre le projet d\'atteinte à la liberté d\'installation (BORDAS/SIPA)
MOTS-CLÉS :

« Le médecin serait tenu d’exercer pendant une période de 5 ans dans sa région de formation de 3e cycle ». Avec cette proposition du Conseil de l’Ordre, les nouveaux diplômés pourraient être contraints, pour combler les déserts médicaux, de rester travailler 5 ans dans la région où ils viennent de finir leurs 3 à 5 ans d’internat, essentiellement à l’hôpital. Pour ces futurs médecins, cette menace de contrainte pourrait être la goutte d’eau qui fait déborder le vase.

Pierre Hamann, président de l’Association nationale des étudiants en médecine de France : « La coercition ne va pas aider à rendre la médecine générale attractive »



« Les internes donnent suffisamment de leur temps et de leur santé à l’hôpital public. Nous faire payer les échecs de la démographie médicale est injuste », renchérit François Petitpierre, président de l’Intersyndicale nationale des internes des hôpitaux. Depuis l’été 2011, la loi prévoit un temps de travail maximal de 48 heures  par semaine pour les internes. Mais en pratique, ce serait plutôt 50 heures hebdomadaires minimum voire 80.
Selon les syndicats, à Paris, un quart des internes seraient même privés du « repos de sécurité » obligatoire après une nuit de garde. A la clé ? Epuisement et burn out pour ces jeunes mais aussi mise en danger des patients qu’ils prennent en charge. Dans ce contexte, la proposition de l’Ordre des médecins d’obliger les jeunes à rester exercer la médecine dans les déserts médicaux passe pour la contrainte de trop.

Aucun ne conteste l’existence de ces déserts médicaux ni le fait qu’ils n’attirent pas les jeunes médecins. Le constat chiffré tiré des Atlas 2011 de la démographie médicale publié par le même Conseil de l’Ordre est d’ailleurs sans appel. Seul 1 médecin sur 2 diplômés par la faculté d’Amiens est resté exercer en Picardie alors que 90% des médecins formés en Alsace s’y sont installés après leurs études. Et les disparités sont encore plus criantes à l’échelle des départements. Par exemple, les diplômés de la faculté de Montpellier ont constitué les trois-quarts des nouveaux médecins dans l’Hérault mais aucun ne s’est installé en Lozère, un département qui a dû faire appel à des médecins étrangers, roumains notamment.
Jusqu’ici les ministres successifs ont tenté des mesures dites incitatives pour encourager les médecins volontaires à aller s’installer dans ces zones en manque de médecins. C’est le cas par exemple du contrat d’engagement de service public. En contrepartie d’une allocation financière pendant ses études, l’interne s’engage à aller exercer dans une zone où l’offre médicale fait défaut pendant au moins deux ans. Mais les incitations financières ne sont visiblement pas la solution car les déserts médicaux ont également été délaissés par beaucoup d’autres professions et services publics. Les médecins n’entendent pas être les seuls contraints à y exercer.

Charline Boissy, présidente de l’InterSyndicale Nationale Autonome Représentative des Internes de Médecine Générale : « Il n’y a pas d’emploi pour les conjoints, pas d’école pour les enfants, aucune infrastructure … »



Le nombre de médecins va baisser jusqu’en 2020, mathématiquement du fait du numerus clausus qui régit le nombre d’étudiants admis en 2e année. Les internes réclament donc que l’organisation du système de santé soit revue en tenant compte de cette pénurie annoncée.

François Petitpierre, président de l’Intersyndicale nationale des internes des hôpitaux : « Il faut imaginer un médecin exerçant alternativement dans plusieurs villages »

 

Le gouvernement n’envisage pas, pour le moment, de suivre les recommandations de l’Ordre et d’entraver la liberté d’installation des médecins. Marisol Touraine, la ministre de la santé, l’a réaffirmé aux représentants des syndicats de médecins en exercice. Ce choix de continuer à privilégier l’incitation à la contrainte devrait momentanément calmer les futurs médecins, qui rappellent à bon entendeur qu’une grève des internes mettrait rapidement les hôpitaux français à genoux.