Des associations de patients ont apporté ce mercredi leur soutien à la généralisation du tiers payant d'ici à 2017, prévue dans le projet de loi santé. « C'est une mesure de progrès » pour la ministre de la Santé, Marisol Touraine, qui la présente comme la proposition phare du texte qu'elle a détaillé hier en Conseil des ministes. Pourtant, elle est largement décriée par l'ensemble des médecins. Ce derniers pensent pour beaucoup qu'il faut la conserver mais uniquement pour les patients couverts par la CMU ou l’AME (aide médicale d’Etat). Mais pourquoi ces professionnels de santé sont-ils aussi crispés sur le sujet ?
Les médecins libéraux craignent pour leurs honoraires
Par exemple, les médecins libéraux redoutent notamment un impact sur leurs honoraires. « La consultation (en médecine générale) est à 23 euros (…). Demain, si vous imposez la généralisation du tiers payant, il faudra l’amputer de frais de gestion de 2 euros 50 par acte. (…) Le tiers payant se traduira-t-il par une baisse du tarif des consultations déjà si bas dans notre pays ? Cela, nous ne pouvons l’accepter ! », confiait récemment à pourquoidocteur le Dr Jean-Paul Ortiz, président du principal syndicat de médecins libéraux, la CSMF (1).
Les médecins doutent également de la faisabilité de mise en applicationn de cette mesure. « Le tiers payant obligatoire, qui sera impossible à mettre en œuvre sur le plan technique, quoi que prétendent les services du ministère de la Santé, sera une source d’erreurs multiples, sans aucun doute au détriment des médecins », affirmait le syndicat.
De la justice sociale pour Marisol Touraine
Un point que Marisol Touraine conçoit volontiers. La ministre avouant en effet que le « défi technique » du dispositif sera « très important ». Concernant les honoraires des médecins, la ministre s’est voulue encore plus rassurante en réaffirmant qu'elle voulait « que les risques de trésorerie ou de charge administrative soient totalement maîtrisés, tant pour les médecins que pour les organismes payeurs. »
Mais pour la ministre, cette réforme doit surtout « permettre aux personnes de ne plus reporter leurs soins ou de ne plus y renoncer pour des raisons financières », a-t-elle souligné à de nombreuses reprises. Actuellement, 35 % des actes de médecine de ville sont réglés par le biais du tiers payant.
Enfin, Mariosl Touraine a rappelé à ces médecins que les cas de renoncement de soins pour des raisons financières ne concernent pas seulement les personnes en dessous du seuil de pauvreté (à savoir 982 euros par mois). « Il y a aussi des gens qui ont des revenus supérieurs à cela et qui ont des difficultés pour boucler les fins de mois. Je ne me résous pas à l’idée que ces personnes retarderaient leur visite chez le médecin libéral pour se faire soigner », a insisté la ministre.
La Mutualité Française favorable au tiers payant
Pour sa part, le président de la Mutualité Française, Etienne Caniard, souhaite « prendre à bras-le-corps le sujet du tiers payant » auquel il est favorable. « Un moyen simple, moderne, efficace et apportant une garantie de paiement aux professionnels de santé », selon lui.
Pour rassurer ces derniers, Etienne Caniard prend l’engagement de simplifier au maximum toutes les procédures administratives, « car il est clair que les médecins sont là pour soigner leurs patients, pas pour remplir des papiers », a-t-il affirmé.
Pour prouver sa bonne volonté, le président de la FNMF indique avoir écrit à ses homologues de la Fédération française des sociétés d’assurances (FFSA) et du Centre technique des institutions de prévoyance (CTIP) en vue de formuler auprès des éditeurs de logiciels des propositions simples et neutres pour les médecins, qui seront prêtes en 2017, au moment de la généralisation du dispositif.
« Avec le tiers payant, les mutuelles évitent déjà à leurs adhérents d’avancer 6,8 milliards d’euros chaque année, fait-il valoir. Demain, avec la généralisation, ce seraient 11,2 milliards d’avance de frais qui, au lieu d’être extraits, pourraient être laissés à disposition des Français pour vivifier l’économie », a-t-il conclu.
Les Français plébiscitent la généralisation du tiers payant
Enfin, les Français sont favorables à ce dispositiff. Selon un sondage (1) révélé il y a quelques jours dans Le Parisien et réalisé par OpinionWay pour le syndicat de médecins libéraux SML, deux Français sur trois approuvent le tiers payant généralisé.Le contraire des médecins. Ces derniers y étaient en effet très majoritairement opposés (95 %).
(1) Confédération des syndicats médicaux français