On entend déjà les cris de protestation des médecins… La ministre de la Santé, Marisol Touraine, a inclus la pratique du testing dans son projet de loi santé. La disposition doit être votée lors de l’examen parlementaire, qui débutera en janvier 2015.
Cette méthode consiste à se faire passer pour un patient auprès des médecins généralistes, des spécialistes ou des dentistes. Le but : signaler d’éventuels refus de soins pour les titulaires de la CMU, ou en raison des mœurs ou de l’origine.
Une pratique « stigmatisante »
L’idée n’est pas nouvelle. L’ancienne ministre de la Santé Roselyne Bachelot l’avait également inscrite dans son projet de loi «Hôpital, patients, santé, territoires» en 2009. Il s’agissait de faire du testing une preuve juridique de discrimination, dans le but d’instaurer des sanctions financières pour les médecins qui refusent les bénéficiaires de la CMU.
A l’époque, la disposition avait été adoptée à l’Assemblée nationale, mais rejetée par le Sénat. Plusieurs députés de droite s’étaient insurgés contre une pratique « qui stigmatise les professionnels », face à un problème qualifié de « marginal », pour reprendre l’expression de Claude Leteurtre (NC), lui même chirurgien-orthopédiste.
Pourtant, un testing réalisé à Paris la même année par l’Institut de Recherche et Documentation en Economie de la Santé (IRDES) a montré qu’un praticien sur quatre refusait les bénéficiaires de la CMU dans la capitale, gynécologues en tête.
Un observatoire des refus de soins
Le gouvernement remet donc le sujet sur le tapis, même si aucune précision n’a été apportée sur les conditions d’application. Mais le CISS (Collectif Interassociatif Sur la Santé), qui représente la voix des patients, exprime d’ores et déjà sa déception. « Nous avions demandé la création d’un observatoire qui regroupe les différentes associations. Le but était d’encadrer le testing, de suivre les résultat, d’appliquer une forme de collégialité. Cet observatoire était censé apparaître dans projet de loi. »
Mais visiblement, aucune mention n’y est faite. Selon le CISS, le testing pourrait être mené par le Conseil National de l’Ordre des Médecins - ce qui n'est pas sans soulever certaines questions. Dans son rapport sur le testing réalisé en 2009, l’IRDES soulignait en effet que « les sanctions prises contre les professionnels refusant des bénéficiaires de la CMU, émanant de l’Ordre des médecins ou celui des chirurgiens dentistes, semblent peu dissuasives ». De plus, les signalements sont assez rares.
Mais face à levée de boucliers que cette pratique suscite, le CISS estime que c’est un moindre mal. « C’est une manière de faire accepter cette mesure. Sinon, nous craignons qu’elle ne passe pas l’examen parlementaire… Mais nous allons proposer un amendement pour réintroduire l’observatoire ». Les débats sont ouverts.