« Dans la mesure où désormais la médecine a les moyens de soulager la douleur, en bénéficier est un droit pour tout patient et un devoir du corps médical », c'était l'une des demandes fortes d'un panel de 18 citoyens réuni fin 2013 par le Comité Consultatif National d'Ethique lors d'une Conférence de citoyens sur la fin de vie. Mais pour faire respecter ce droit, les Français réclament un développement des soins palliatifs. L'accès à ces soins reste en effet très difficile en France. C'est ce qui ressort d'ailleurs du rapport sur le débat public concernant la fin de vie rendu ce jeudi par le CCNE.
Un non-respect du droit d’accéder à des soins palliatifs
« Malgré un développement significatif des soins palliatifs au cours de ces dernières années en France, seules 20 % des personnes qui devraient bénéficier des soins palliatifs ont accès à des structures avec en outre de lourdes inégalités territoriales qui existent en ce qui concernent les structures palliatives comme le nombre de lits dédiés en milieu hospitalier », a déploré hier le CCNE en présentant son rapport à la presse.
Au passage, le Comité rappelle que « l’IGAS (1) notait en 2009 (que) seules 2,5 % de personnes qui meurent à l’hôpital ont été identifiées dans un GHS (groupe homogène de séjour) correspondant à une prise en charge dans une unité de soins palliatifs. »
Une fin de vie insupportable pour beaucoup de personnes
Par ailleurs, l’étude « Mort à l’hôpital », réalisée dans 200 hôpitaux français, et publiée en 2008 indiquait que plus des deux tiers des infirmières et infirmiers déclaraient qu’ils considéraient les conditions de fin de vie des personnes qu’ils soignaient comme inacceptables pour eux-mêmes, lorsqu’ils seraient en fin de vie.
Pour mettre des images sur cette situation, le CCNE a fait référence hier à une des conclusions de la Commission de réflexion sur la fin de vie du Pr Didier Sicard (décembre 2012) qui indiquait que « les personnes malades en fin de vie éprouvent, pour la plupart, le sentiment soit d’être soumises à une médecine qui privilégie la performance technique au détriment de l’attention qui devrait leur être portée ; soit d’être purement et simplement abandonnées. »
Une formation déficiente des professionels
Et pour comprendre l'attitude pas toujours à la hauteur des soignants envers les malades, il faut se pencher sur la formation déficiente des professionnels de santé à la fin de vie en France.
Dans son rapport, le CCNE relate que dans les études médicales et paramédicales, peu ou pas de temps est accordé à l’approche, l’accompagnement et le soin des personnes en fin de vie.
« Certes, la question de la mort et de la fin de vie a été introduite dans le premier cycle mais au sein d’un module très large. Au cours du deuxième cycle, le nombre d’heures consacrées au module "douleur, soins palliatifs, anesthésie" peut varier de 2h à 35h... »
De plus, il n’y a plus aucune formation en dehors des diplômes d’études spécialisés complémentaires. La majorité des unités de soins palliatifs ne sont en effet pas habilitées comme lieu de stage validant pour le DES de médecine générale ou le DES de cancérologie.
Enfin, la formation continue reste elle aussi peu valorisée. Il existe un diplôme universitaire de soins palliatifs, où selon l’Observatoire National de la Fin de Vie (ONFV), les médecins représentent seulement 28 % des participants. Et l'Observatoire estime que 80 % des médecins n’ont reçu aucune formation à la prise en charge de la douleur. Comme exemple : « Seuls 3 cancérologues en Ile de France sur 150 étaient formés aux soins palliatifs en 2008 et 63 % des médecins déclarent n’avoir jamais reçu de formation sur les limitations de traitement », conclut le rapport du CCNE sur cette question.
Pour le Pr Régis Auvbry, Président de l'ONFV, « tant que la formation des professionnels de santé à la culture palliative restera marginale, il n’y a rigoureusement rien à espérer d’un changement des pratiques en France face aux situations de fin de vie. »
Ecoutez le Pr Régis Aubry, membre du CCNE : « La volonté que l'on a, c'est que l'on développe une culture palliative...»
(1) L'Inspection générale des affaires sociales