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Budget de la Sécurité sociale

Les cigares seront taxés comme les cigarettes

Par Marion Guérin

Contre l’avis du gouvernement, des députés ont décidé d’aligner les taxes des cigares et cigarillos sur celles des cigarettes en raison de leur nocivité. 

SIPANY/SIPA

Les amateurs de Havane ne vont pas apprécier. En pleine discussion sur le budget de la Sécurité sociale, les députés ont décidé d’augmenter les taxes sur les cigares et cigarillos pour les aligner sur celles appliquées aux cigarettes. Le paquet de 20 cigarillos pourrait ainsi passer de 7 à 17,6 euros.

L’amendement a été porté par l'ancienne ministre Michèle Delaunay (PS), également cancérologue. « La nocivité [des différents produits du tabac] est exactement la même que la cigarette », a-t-elle plaidé en appelant à « des mesures d'urgence » car « le tabac est aujourd'hui dans le monde la première cause de décès ». Des socialistes et des écologistes ont cosigné le texte.

L’industrie pénalisée
Fait étonnant : alors que le gouvernement appelle à une « génération sans tabac » et mène la guerre aux cigarettes – blondes comme électriques – il s’est cette fois formellement opposé à l’amendement. Pour le secrétaire d’Etat au Budget, Christian Eckert, cette nouvelle taxe risquerait de nuire… à l’industrie du cigare.

« La France est le pays d'Europe continentale qui pratique les tarifs les plus chers, a-t-il expliqué, arguant que les cigares et cigarillos, ne représentent que « 2% du marché en volume », et qu'« augmenter la fiscalité fait augmenter les achats illégaux ». Un argument habituellement porté par les buralistes et les cigarettiers...


Une vieille publicité pour des cigares, présentés comme des remèdes magiques contre les maladies... et même contre la mauvaise haleine !

« Il vaudrait mieux fumer du cannabis ! »
L'Association des fournisseurs de cigares en France (AFCF), qui dit représenter la quasi-totalité des fabricants des cigares et cigarillos commercialisés par les buralistes, a elle aussi déploré le vote de l'amendement. Selon elle, cette taxe aurait comme « conséquence immédiate pour 2015, la fin des ventes de cigares et cigarillos dans le réseau des buralistes et une perte de recette fiscale provenant des cigares et cigarillos de 158 millions d’euros », écrit-elle dans un communiqué.

Du côté de l’UMP, les réactions ne se font pas plus favorables. Si les députés se disent « soucieux de ce problème de santé publique », ils jugent cependant l'impact de l'amendement « complètement déraisonnable ». « A ce compte-là, il vaudrait mieux fumer du cannabis ! », s'est emporté l'ancien président de l'Assemblée, le Dr Bernard Accoyer.

Le lobbying du tabac pointé du doigt
Forcément, une question se pose : une forme de lobbying serait-elle à l’origine de ces réactions pour le moins étonnantes ? Alors qu'un récent ouvrage, l’Etat accro au tabac, et une émission sur France 2, « Cash Investigation », ont épinglé l'influence des industriels du tabac sur les politiques, Christian Eckert est revenu sur « le rôle du gouvernement dans la fixation des prix » du tabac.

« Il y a des échanges avec les fabricants car des questions se posent en termes de rentabilité », mais le « travail complexe » qui est mené se fait « avec beaucoup de responsabilité », a-t-il assuré. « Prochainement, le gouvernement proposera un panel de mesures pour lutter contre les achats (de tabac) sur internet », a-t-il d'ailleurs indiqué.


Cash Investigation - "Tabac,la grande manipulation", présenté par Elise Lucet

Ces fumeurs qui coûtent cher
Un autre amendement déposé par Michèle Delaunay proposait de fixer le prix des produits du tabac en fonction du coût sanitaire et social réel lié à leur consommation, mais il a été repoussé. Il était aussi signé par des socialistes, des écologistes et une UMP, Isabelle Le Callennec. Pour l'UDI, qui ne l'a pas voté, « l'idée mérite de faire son chemin ».

Une étude de 2006 commandée par l'Institut national du cancer avait chiffré à 47,7 milliards d'euros par an, « soit 3 points de PIB et trois fois le déficit de la Sécurité sociale », le coût global du tabac, du fait notamment des dépenses de santé induites pour les fumeurs tombant malades, a rapporté Michèle Delaunay. Mais pour Christian Eckert, le ministre du Budget, c'est une proposition qui va  « trop vite et trop loin ».