Avant un match de football, Zidane mettait toujours d’abord sa chaussette droite, puis sa chaussette gauche. Un rituel très personnel. Pour d'autres champions, c’est toujours un antidouleur ! Alors que démarre ce week-end l’Euro 2012, le médecin de la Fédération internationale de football a jeté un pavé dans la mare. Le Dr Jiri Dvorak dénonce la consommation abusive d’antidouleurs chez les joueurs professionnels. S’il donne ainsi un carton jaune, c’est parce que les chiffres sont sans appel.
La Fédération a mené l’enquête pendant la dernière Coupe du Monde : 60% des joueurs ont eu recours à des antidouleurs au moins une fois. Mais phénomène plus grave encore, 39% ont pris un antalgique avant chaque rencontre.
Déjà, lors des deux Coupes du Monde précédentes, la FIFA avait mené une étude sur les 72 h qui précèdent les matchs. Les anti-inflammatoires arrivaient en tête des médicaments consommés. En Italie, 86% des joueurs en auraient un usage régulier. Le patron de la commission médiale de la Fifa répétait inlassablement que « sur le plan médical, le grand problème du football est l’abus d’anti-inflammatoires ». Autrement dit plus grave que le dopage…
Au vu des derniers chiffres parus dans le « British journal of sports médicine, les plus accrocs aux antidouleurs seraient les équipes venant du continent américain. En Europe, la dérive serait donc moins importante.
Dr Alain Simon, ex-médecin de l'équipe de France de football : "Prendre des antalgiques en prévention, c'était exceptionnel dans mon équipe".
Pourtant, certains médecins du sport français ne cachent pas leur inquiétude. C’est le cas de Bruno Sesbouë, médecin du sport au CHU de Caen. Ce président de l’association nationale de prévention du dopage n’est pas vraiment surpris par les chiffres de la FIFA. Pour lui, prendre des antidouleurs avant un match, pour prévenir une éventuelle douleur, est d’abord « absurde ». « C’est comme se faire poser un plâtre de peur de se casser le bras, explique-t-il ! Par ailleurs, je pense que c’est totalement inefficace parce que le pic du taux de médicament ne coïncidera pas forcément avec le moment où il y aura éventuellement la douleur. »
En outre, il est aujourd’hui démontré qu’une douleur n’est pas forcément d’origine inflammatoire. Face à une tendinopathie chronique, les AINS seraient par exemple inefficaces dans 60% des cas. Absurde, inefficace, cette pratique peut aussi se révéler dangereuse à terme.
Bruno Sesbouë, médecin du sport au CHU de Caen: « Les antidouleurs suppriment la douleur qui est un signal d’alarme très important. »
L’autre danger vient des anti-inflammatoires. Ces médicaments peuvent en effet provoquer des hémorragies digestives. Pour autant, « les antidouleurs ne sont pas des poisons, tient à signaler le Dr Sesbouë. Il faut simplement en prendre quand on en a besoin. »
Bruno Sesbouë, « En prendre systématiquement avant chaque match s’assimile à une pratique dopante ».
La pression de la compétition est évidemment à l’origine de cette consommation abusive de médicaments. Ellei s’exerce sur les joueurs mais pas seulement. Le Dr Dvorak de la Fifa reconnaît que les médecins ressentent eux aussi une pression pour remettre rapidement les joueurs sur pied.
Et même les jeunes joueurs cèderaient à la tentation. L’enquête de la Fifa montre que pratiquement 20 % des moins de 17 ans abusent eux aussi des antidouleurs. « De toute façon, à partir du moment où une pratique se répand au plus haut niveau, elle redescend quasi systématiquement, prévient le Dr Sebouë. Et d’ailleurs, c’est là que se produisent les catastrophes parce que les joueurs ne vont pas retirer de réels bénéfices de cette consommation et l’encadrement médical est moins proche. »
L’Euro 2012 commence décidément en fanfare. Une autre polémique agite le monde des joueurs et des supporters. Les maillots que les équipes porteront pendant un mois contiendraient des produits chimiques toxiques. Affaire à suivre?