A chaque rentrée, c’est la même corvée : renouveler le certificat d’aptitude au sport des enfants. Certes, ils sont jeunes et en bonne santé ; d’accord, ils font du ping-pong. Mais la règle, c’est la règle. Pour s’inscrire dans un club sportif, il faut être muni de son certificat de non-contre-indication au sport, signé par son médecin généraliste. Impossible d’y couper.
Simplifier la vie des Français
Tous les ans, 15 millions de certificats sont ainsi délivrés. C’est autant de personnes qui se ruent dans les cabinets médicaux afin d’obtenir le précieux document. Pour éviter ce grand rush, et dans sa volonté de simplifier la vie quotidienne des Français, le gouvernement souhaite rallonger, pour les jeunes (jusqu’à la majorité), la durée de validité de ce certificat à 2 ou 3 ans. Les contours de la réforme restent à préciser.
« À partir de la rentrée 2015, ces certificats médicaux seront valables plusieurs années sans avoir à les refaire à chaque fois », a précisé Thierry Mandon, le secrétaire d’État à la réforme de l’État, au quotidien le Parisien-Aujourd’hui en France. Seules exceptions : les sports extrêmes – parachute, plongée, boxe… - qui devront faire l’objet d’une visite médicale annuelle, ainsi que les sportifs qui pratiquent en compétition. La mesure pourrait s’appliquer dès septembre 2015.
Des certificats à la « va-vite »
En fait, la proposition n’est pas toute neuve. Depuis plusieurs années, elle est lancée avec conviction par les ministres successifs - Xavier Bertrand, Valérie Fourneyron… « A l’origine, l’idée, c’était de trouver un moyen pour diminuer le nombre de certificats délivrés par les médecins généralistes », explique Roger Rua, président du Syndicat des médecins libéraux (SML), qui a participé au groupe de réflexion sur la question.
« De manière générale, les médecins croulent sous les demandes de certificats, parfois complètement farfelues – aptitude à aller dans un lieu public, ou à effectuer un stage… Or, dans le domaine du sport, il est pertinent de réduire le rythme », explique ce praticien spécialisé dans la médecine du sport. D’autant plus que ces certificats de non-contre-indication au sport sont souvent délivrés à la « va-vite », sans examen approfondi…
Ecouter Roger Rua, président du SML et médecin du sport : « Le médecin vérifie que l’enfant n’est pas malade au moment de la signature. Or, ce certificat est aussi un certificat de prévention… »
Examens approfondis, ECG obligatoire
Or, précisément, l’allongement de la durée du certificat de non-contre-indication au sport s’accompagnera d’une contrepartie. Les examens médicaux seront approfondis, avec la mise en place d’un électrocardiogramme obligatoire tous les deux ou trois ans dès l’âge de 12 ans.
Entre les deux visites, le tuteur légal devra remplir une déclaration, attestant sur l’honneur qu’aucun incident n’a été observé chez l’enfant au cours de la pratique du sport concerné. Dans d’autres pays (Italie, Etats-Unis…), les autorités ont ainsi mis à disposition des autoquestionnaires à remplir et à retourner au médecin traitant.
Ecouter Roger Rua: « C’est l’une des pistes. On a des modèles de questionnaires déjà prêts. Ca fait 15 ans qu’on travaille dessus ! »
Des risques accrus de mort subite du sportif ?
Pour autant, plusieurs médecins se sont montrés farouchement opposés à ce projet de réforme. Jean-Paul Hamon, président de la Fédération des médecins de France, estime ainsi qu’elle pourrait mettre en danger la santé des enfants: « C'est une hérésie parce que le gamin change morphologiquement, il va peut-être aussi changer de sport, donc ne pas faire le même effort. Une visite annuelle c'est bien, une visite tous les trois ans, je trouve que c'est prendre des risques avec la santé des gens », explique-t-il sur le site de RMC.
Faux, selon Roger Rua. « Une multitude d’études études internationales, très sérieuses, prouvent le contraire. L’examen de l’électrocardiogramme permet même d’éviter les morts subites du sportif, chose que l’on parvient plus difficilement à prévenir en France », précise-t-il.
Alors pourquoi cette levée de boucliers ? Des mauvaises langues y verraient le réflexe corporatiste, mais naturel, d’une profession pour qui les certificats médicaux peuvent constituer une bonne partie du chiffre d’affaires. Mais surtout, la nécessité de se doter d’un électrocardiogramme, doit rebuter plus d’un médecin. La machine coûte cher, et il faut encore savoir la comprendre…
Ecouter Roger Rua : « Il faudrait peut-être former des médecins généralistes à l’analyse d’un électrocardiogramme… mais c’est dans leurs cordes ! »
Regarder le reportage de France 3 sur cette réforme : "Certains parents n'hésitent pas à contourner le système"