« Lutter contre les cancers c’est bien, ne pas oublier la BPCO c’est mieux ». Ce coup de gueule poussé par l’association BPCO s'adresse au gouvernement. Il fait écho au projet de loi santé principalement axé sur la prévention des dangers du tabagisme, mais qui omet de prévenir la Broncho Pneumopathie Chronique Obstructive (BPCO), une forme grave de bronchite qui affecte le souffle et provoque des dommages irréversibles des poumons. Une pathologie grave, fréquente mais mal connue. Plus de 2 malades sur 3 ne sont pas diagnostiqués.
La journée mondiale de la BPCO, qui aura lieu le mercredi 19 novembre, et le colloque organisé ce mercredi au Palais du Luxembourg par l’association BPCO seront l’occasion d’alerter le grand public et les professionnels de santé du manque d’intérêt accordé par les politiques à l’épidémie de BPCO. « Marisol Touraine a décidé de faire de la prévention l’un des piliers de son projet de loi santé. Et, encore une fois, la BPCO fait partie de l’une des grandes oubliées de notre politique de santé », déplore le Dr Frédéric Le Guillou, pneumologue et nouveau président de l’association du BPCO, contacté par Pourquoidocteur.
Ecoutez le Dr Frédéric Le Guillou, président de l’association BPCO : « Il n’y a pas un seul mot dans le projet de loi santé à propos de la BPCO… »
L'extension du Prado à la BPCO, annoncé jeudi dernier par l’Assurance Maladie, est l'un des points évoqués durant le colloque. Ce programme d’accompagnement encadre les personnes retournant à leur domicile après une hospitalisation. Mais pour Frédéric Le Guillou, il y a une ambivalence complète entre ce que l’assurance maladie promet et ses actions : « Malgré les demandes pressantes de la communauté médicale, l’avis très favorable de la HAS, l’Assurance Maladie refuse toujours de coter (et donc de permettre leur remboursement, ndlr) certains actes de réentrainement à l’effort qui peuvent être délivrés en ambulatoire par des professionnels de santé à des patients atteints de BPCO, ce qui améliorerait leur qualité de vie, préviendrait des complications et serait dans l’objectif du virage ambulatoire de prise en charge des maladies chroniques souhaité par le ministère ».
Ecoutez le Dr Frédéric Le Guillou, président de l’association BPCO : « A l’heure où la ministre nous dit qu’il faut prendre un virage ambulatoire pour réduire les coûts de la santé, je n’arrive pas à comprendre pourquoi il n’y a pas de remboursement de cet acte »
Trois piliers de prévention
L'association rappelle également que le tabagisme n'est pas l'unique cause de la BPCO. Il y a trois piliers de prévention et de prise en charge de la BPCO : « le sevrage du tabac en fait partie mais il y aussi l’activité physique et les traitements médicamenteux. Mais si on oublie l’un de ces trois piliers, la prévention fonctionne nettement moins bien », explique Frédéric Le Guillou. Or, le projet de loi de santé ne parle que du tabac, et on oublie donc les autres facteurs de la maladie. Les gens ont par exemple souvent tendance à lier leur essoufflement à leur activité physique et donc à faire moins de sport. Mais c’est précisément ce qu’il ne faut pas faire, car la diminution d’activité physique aggrave l’essoufflement du patient atteint de BPCO. C’est donc un cercle vicieux. Enfin, l’association BPCO rappelle également que les personnes qui exercent des professions dans les secteurs de la fonderie, de l’industrie textile, ou de la sidérurgie s'exposent fortement à la BPCO.
Ecoutez le Dr Frédéric Le Guillou, pneumologue et président de l’association BPCO : « Les sportifs de haut niveau s’entraînent en permanence mais dès qu’ils diminuent leur rythme d’entraînement, ils baissent en performance. C’est le même principe pour les personnes atteintes de BPCO… »
Améliorer la communication
L’objectif de ce colloque est également d’améliorer la communication et la prévention à tous les niveaux, aussi bien pour les médecins et les patients, que les pouvoirs publics. « L’acronyme BPCO ne signifie rien pour le grand public, et n’est pas attirant pour les politiques. Il faut donc trouver d’autres moyens d’informer et de communiquer autour de la maladie. Cela passe par le dialogue entre le patient et le médecin, mais aussi entre les professionnels de santé et les pouvoirs publics, qui à leur tour doivent mener des campagnes de prévention », explique le Dr Le Guillou. Ce dernier compte notamment insister sur la nécessité d’afficher des messages de prévention en lien avec la BPCO sur les fameux paquets neutres, mesure phare du projet de loi de santé.
1 Français sur 5 a entendu parler de la BPCO
Chaque année, la BPCO est à l'origine plus de 100 00 hospitalisations et 17 500 décès. C’est un donc un enjeu majeur de santé publique. Pourtant, selon un récent sondage, 86 % des Français ne se disent pas concernés par cette pathologie. Seul un français sur cinq a déjà entendu parler de la BPCO ! Quelles sont les raisons de cette ignorance ? « Le manque d'information et de prévention de la part des pouvoirs publics contribue évidemment à ce constat dramatique. Mais les patients ont aussi une fâcheuse habitude à sous-estimer leurs symptômes, car c'est une maladie sournoise, qui évolue extrêmement lentement », rappelle le Dr Le Guillou.
Le médecin déplore également une certaine politique de l’autruche. « Si on parle de BPCO, les gens pensent immédiatemment au tabac : ils prennent peur ou culpablisent. Ils préfèrent donc oublier que cette maladie existe.» De manière plus générale, le pneumologue s'alarme d'un manque de conscience et d'intérêt autour des pathologies concernant un organe qui n'est « ni un organe affectif comme le coeur, ni un organe de réflexion comme le cerveau.» Mais le poumon est pourtant un organe qui nous permet de respirer.
Ecoutez le Dr Frédéric Le Guillou, président de l’association BPCO : « La maladie respiratoire entraîne d’autres complications : ostéoporose, troubles cardiovasculaires, syndromes dépressifs… »