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Hausse des prescriptions depuis 3 ans

Antibiotiques : la consommation augmente malgré les campagnes publiques

Par la rédaction avec Audrey Vaugrente

Le bilan a de quoi alarmer : la consommation d'antibiotiques est en hausse constante depuis 2010. Les campagnes se sont pourtant multipliées pour sensibiliser médecins et patients.

Capture d'écran de la campagne de 2011 (Assurance maladie)

« Les antibiotiques, c’est pas automatique », « Utilisés à tort, ils deviendront moins forts. » Les slogans se multiplient, mais la consommation d’antibiotiques repart à la hausse depuis 2010 (+ 5,9 %). C’est ce qu’a récemment conclu l’Agence de sécurité du médicament (ANSM) dans son rapport « L’évolution des consommations d’antibiotiques en France entre 2000 et 2013. » L’Hexagone reste le mauvais élève de l’Europe, avec une consommation 30 % plus élevée que celle de nos voisins. Ce n’est pourtant pas faute de campagnes de sensibilisation publique.

 

2002 à 2007 : -26,5 % de prescriptions

En 2002, l’Assurance maladie prend acte de la surconsommation d’antibiotiques et du développement de l’antibio-résistance. Elle met en place une première campagne, répétée tous les hivers. Le slogan est depuis entré dans les esprits : « Les antibiotiques, c’est pas automatique. » Un objectif est alors fixé : réduire de 25 % la consommation en 5 ans. Il est même légèrement dépassé puisque le nombre de prescriptions a reculé de 26,5 %. Une revue du Lancet, parue en 2010, semble également confirmer que des campagnes de sensibilisation entraînent une chute de la consommation.

 

Regardez la campagne de 2002 :

 

Sur le long terme, c’est un échec. En 2007, la consommation d’antibiotiques repart à la hausse, particulièrement dans les régions Nord-Pas-de-Calais et Centre. Comme le souligne le Pr Benoit Schlemmer, Pdt du Comité national de suivi du Plan pour préserver l’efficacité des antibiotiques, dans une analyse réalisée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) sur la situation en France : « Nous avons enregistré une augmentation de 4 % des prescriptions destinées à des adultes entre 2008 et 2009, cette augmentation étant encore plus forte lorsqu’on la mesure d’un hiver à l’autre, le saut approchant alors les 10 %. »

 

2011 : la campagne fait peau neuve

En 2011, l’Assurance maladie reprend les rênes et sort l’artillerie lourde. Un nouveau slogan, « Antibiotiques : utilisés à tort, ils deviendront moins forts », une nouvelle campagne télévisée, des affichages publics, mais surtout un nouveau site consacré aux antibiotiques. Cette fois, la CNAM joue la carte de l’éducation et explique au public pourquoi il est vital de réduire notre consommation.

 

Regardez la campagne de 2011 :

 

Là encore, c’est un échec : la consommation d’antibiotiques poursuit sa progression inexorable. Résultat : l’OMS a récemment tiré la sonnette d’alarme. « Le monde s’achemine vers une ère postantibiotique, où des infections courantes et des blessures mineures qui ont été soignées depuis des décennies pourraient à nouveau tuer », a averti le Dr Keiji Fukuda, Sous-Directeur Général de l’OMS.

 

2012 : une nouvelle cible, les médecins

En 2012, l’Assurance maladie joue une autre carte : la sensibilisation des médecins. Elle met en place la Rémunération sur Objectifs de Santé Publique (ROSP), qui comporte un volet « optimisation de la prescription. » Dans le cadre de l’antibiothérapie, il s’agit de passer à moins de 37 prescriptions pour 100 patients. Si les objectifs sont atteints, le médecin bénéficie d’une prime. Chez les adhérents, c’est un succès très relatif, mais tout de même visible : le nombre de prescriptions d’antibiotiques pour 100 habitants a reculé de 3 % en moyenne.

 

Source : Assurance maladie

 

Comment expliquer cette réticence des médecins à réduire leur prescription ? Pour le Pr Schlemmer, la raison est très simple : « Le temps c’est de l’argent et la vérité est qu’il est plus rapide de prescrire un antibiotique au patient que de lui expliquer pendant une demi-heure pourquoi il n’en a pas vraiment besoin », estime-t-il. Difficile également d’expliquer aux patients qu’il vaut mieux ne pas traiter et revenir consulter en cas d’aggravation des symptômes. « Les gens préfèrent ne pas avoir à revenir », reconnaît-il. Reste à trouver la recette qui rend une campagne publique efficace sur le long terme.