Depuis longtemps déjà, les associations de patients victimes de l'hépatite C dénoncent le prix des nouveaux traitements. A cause de leur coût exorbitant (56 000 euros par patient pour le Sovaldi), ces nouvelles molécules restent en effet administrées avec parcimonie aux malades. Cela alors qu'elles sont pourtant mieux tolérées par ces derniers et très efficaces pour les guérir. Dans ce contexte, la nouvelle qui suit ne va pas les rassurer. Une étude menée en France vient de confirmer l’impact financier considérable des nouveaux traitements. Un gouffre pour une Sécurité sociale déjà malade.
Des projections fidèles aux recommandations de la HAS
Ces travaux soutenus par l’ANRS (France Recherche Nord&sud Sida-hiv Hépatites) et réalisés par l'équipe de Sylvie Deuffic Burban (1) se sont attachés à évaluer l’impact budgétaire des antiviraux d'action directe (AAD) connus pour guérir 90 % des malades après une cure rapide.
Leurs coûts ont été évalués à partir du prix de ces médicaments demandés par les laboratoires pharmaceutiques dans le cadre des ATU (Autorisations Temporaires d’Utilisation) qui sont en cours : 35 000 € pour 12 ou 24 semaines de traitement pour le daclastavir et 4 830 € par semaine pour le sofosbuvir (Sovaldi).
Les schémas de traitement retenus (bithérapie d’AAD ou association de l’un ou des deux avec la ribavirine) sont ceux qui sont préconisés dans le premier rapport de recommandations sur la prise en charge des personnes infectées par le virus de l’hépatite B ou C en France et par la Haute Autorité de Santé (HAS). Dans ces rapports, les AAD sont recommandés pour les patients présentant une fibrose avancée, c’est-à-dire à partir d’un stade F2, avec une priorité donnée aux patients atteints d’une fibrose F3 ou F4.
Un coût entre 2,3 et 3,1 milliards d'euros pour trois années
Les auteurs de l’étude ont donc calculé les coûts de traitement en considérant que tous les patients avec une fibrose avancée seraient traités par AAD au cours des trois prochaines années. C'est-à-dire 20 000 la première année, 9 000 la deuxième et 2 500 la troisième, soit un peu moins de 32 000 patients au total.
Et seuls les coûts directs des médicaments ont été pris en compte. Sur cette base, les auteurs estiment que l’impact budgétaire du traitement par AAD de ces patients serait compris entre 2,3 et 3,1 milliards d’euros pour les trois années considérées.
« Il s’agit de projections que l’on peut qualifier d’a minima, a indiqué Sylvie Deuffic-Burban, l’une des auteurs de l’étude. En effet, nous avons considéré dans notre analyse qu’aucun nouveau patient ne serait dépisté et ne nécessiterait une mise sous AAD, ce qui est improbable », précise-t-elle.
Pour le Pr Jean-François Delfraissy, directeur de l’ANRS, « cette étude confirme que le coût des AAD risque de peser sur notre système de santé. C’est une situation qui justifie que le “juste prix” de ces médicaments soit appliqué dans un contexte médical de “juste prescription”, conclut-il.
Pour rappel, en France, 180 000 personnes seraient atteintes d’hépatite C chronique, dont 90 000 qui l’ignorent. Cette infection est responsable de pathologies graves (cirrhoses et cancers du foie) qui entraînent le décès d’environ 3 000 malades chaque année.
(1) Sous la direction du Pr Yazdan Yazdanpanah (Inserm U1137 – IAME « Infection, Antimicrobiens, Modélisation, Evolution », Université Paris Diderot, Paris)