En France, les personnes vivant avec le VIH, c’est-à-dire séropositives, ont accès à des traitements antirétroviraux qui contrôlent l’infection et devraient leur assurer une vie normale. Ce n’est malheureusement pas le cas. En effet, utilisant une enquête nationale menée en 2011, des chercheurs français (Élise Marsicano, Rosemary Dray-Spira, France Lert et Christine Hamelin) décrivent ce mercredi dans un document publié sur le site de l'Ined (1) les discriminations auxquelles ces personnes font face, que ce soit au travail, chez le médecin, à l’hôpital, et même en famille.
Une enquête sur plus de 3 000 séropositifs
Pour parvenir à ce constat, ces scientifiques ont analysé les résultats de l’enquête ANRS-Vespa2 représentative de la population séropositive suivie à l’hôpital en France métropolitaine en 2011.
Elle a été réalisée auprès de 3 022 personnes (2) vivant avec le VIH.
Le questionnaire a porté sur les traitements injustes subis par les personnes séropositives au cours des deux années précédant l’enquête dans différentes situations de la vie quotidienne, dénommées « sphères » : services de soins, travail, recherche d’emploi, famille, services publics, lieux de loisirs. Exemples de questions : « Au cours des deux dernières années... Est-il arrivé qu’un médecin de ville refuse de vous soigner ? Est-il arrivé qu’on refuse de vous soigner dans un hôpital ? Est-il arrivé qu’un médecin ou du personnel médical vous traite moins bien ou vous reçoive plus mal que les autres patients ? »
25 % des séropositifs ont déclaré des discriminations
Et les résultats rappportés par cette équipe sont édifiants. Les discriminations constituent une expérience fréquente pour les personnes séropositives. Tout motif confondu, plus d’un quart des répondants (26 %) rapportent des traitements discriminatoires au cours des deux années précédant l’enquête. Une fréquence élevée si l’on considère qu’environ 20 % des personnes interrogées dans une autre enquête (TeO ) menée en 2008 déclaraient avoir subi des discriminations au cours des cinq dernières années.
Quelles que soient leurs caractéristiques et leur groupe, les femmes ont déclaré, en 2011, plus de discriminations que les hommes dans la population séropositive. Les femmes séropositives immigrées d’Afrique subsaharienne et les usagères de drogue sont près de 4 sur 10 à témoigner de discriminations tandis que les hommes séropositifs hétérosexuels non immigrés d’Afrique sub- saharienne sont un peu plus de 1 sur 10.
Sphère familiale et travail pas exempts de tout reproche
Par aillleurs, parmi les personnes vivant avec le VIH, 11 % déclarent avoir subi des traitements discriminatoires au sein de la famille. C'est le cas particulièrement pour les femmes séropositives, et les minorités masculines séropositives que sont les homosexuels masculins et les usagers de drogue.
Autre constat accablant, parmi les personnes qui travaillaient lors de l’enquête, soit la moitié de l’échantillon, 6 % rapportent des discriminations au travail.
La fréquence élevée de la discrimination à l’embauche fait de la recherche d’emploi un contexte particulièrement discriminatoire. Préoccupant lorsqu'on sait qu'une personne sur trois a été en recherche d’emploi au cours des deux dernières années dans la population séropositive.
Des discrinations aussi dans les services de soins
Enfin, 8 % des personnes séropositives déclarent avoir subi des traitements discriminatoires au sein d'un service de santé. Ces dernières suivent un gradient selon l’âge. En gros, plus les personnes séropositives sont jeunes, plus elles rapportent de discriminations.
En détails, les personnes séropositives sans emploi rapportent plus de discriminations dans le soin que les personnes en activité. Ainsi, « malgré les principes d’universalité et d’égalité inscrits dans la déontologie des soignants, la précarité expose aux traitements discriminatoires », écrivent les auteurs.
Même s'il se peut aussi « que celle-ci en accentue la perception », précisent-ils.
Un constat qui n’est pas spécifique aux personnes séropositives, puisque « d’autres études ont montré que, dans les services de santé, la discrimination sociale est plus importante que la discrimination raciste », concluent-ils.
(1) Institut national d'études démographiques
(2) Dans ce panel, les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes représentent 40 % de la population séropositive étudiée, les hommes et les femmes immigrés d’Afrique subsaharienne 24 % (respectivement 8 % et 16 %), et les hommes et les femmes usagers de drogue injectables 11 % (respectivement 7 % et 4 %). Enfin, les hommes et les femmes hétérosexuels non immigrés d’Afrique subsaharienne représentent 26 % de la population séropositive, répartis de façon égale entre les deux sexes.