La France présente les plus hauts niveaux d’expérimentation et de consommation de cannabis en Europe ! C'est ce qui ressort du dernier rapport du Comité d’Evaluation et de Contrôle (CEC) des politiques publiques sur la lutte contre l’usage des drogues illicites publié ce jeudi. En détails, les Français de 15-64 ans arrivent 2ème en Europe sur le taux d’expérimentation (32 %) et 1ers sur celui de consommation dans l’année ( 17 %).
Et chez les plus jeunes seulement (15-16 ans) le constat n'est guère plus rassurant puisque les ados français présentent le 2ème taux d’expérimentation (39 %) en Europe.
Face à ces chiffres, les auteurs de ce rapport n'hésitent pas à dire que les politiques actuelles de prohibition (adoptées par notre pays depuis 1970) sont un échec. Cela car toutes les tendances sont à la hausse, celles de l’usage comme celles des sanctions.
L'échec de la prévention
L'échec de la politique suivie depuis des années est tout d'abord celui de la prévention. Le rapport parle d'un budget et d'une traçabilité très faibles. « Ils ne sont pas pérennes et sont souvent noyés dans une accumulation de pôles et autres instances régionales qui doublonnent entre elles et au niveau national », est-il écrit dans ce document.
Certains crédits sont même en baisse, comme ceux alloués à la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA) qui ont baissé de moitié depuis 2009.
Pour les auteurs, la proposition de valoriser le travail de prévention des policiers et gendarmes dans ce domaine laisse songeur. « Demanderait-on à un médecin d’aller faire de l’interpellation sur la voie publique ? »
Autre bémol relevé par les auteurs, la prévention dans les écoles qui selon eux « est résumée à une session d’information dans les établissements scolaires alors que des études scientifiques au niveau européen notamment montrent la nécessité de travailler dans la continuité et avec des programmes d’intervention validés. »
La réduction des risques ne marche pas
Autre échec pointé du doigt dans ce rapport : celui de la politique de réduction des risques (RDR). Le rapport préconise ainsi de renforcer la lutte contre le trafic de traitements de substitution aux opiacés (TSO) par la mise en place de prescription électronique et d’ordonnances plus sécurisées.
Mais aussi, « de développer les Programmes d’Echanges de Seringues (PES) notamment en milieu carcéral. » Les auteurs reposent la question de la pertinence des Salles de Consommation à Moindre Risque (SCMR).
Les rapporteurs ont sur ce point des avis divergents puisque la députée Anne-Yvonne Le Dain (PS) y est favorable, « au vu des expériences étrangères comparables », alors que Laurent Marcangeli (UMP) s’y oppose, « faute de sécurisation suffisante du dispositif ».
Sur ce sujet d'ailleurs, l'association Fédération Addiction déplore que la RDR soit abordée de façon limitée dans le rapport qui pointe le problème de détournement de certains produits de substitution, « sans amener à proposer un élargissement de leur palette. » « La nécessité de décloisonner les soins, d’ouvrir les possibilités sur l’ensemble des produits (alcool, tabac..), des approches et de mieux couvrir le territoire requiert de réels moyens d’actions, que le rapport n’a pas permis de proposer », pense-t-elle.
La vente de cannabis contrôlée par l'Etat ?
Enfin, les données rapportées par la CEC démontre l’inefficacité de la politique répressive (notamment vis à vis du cannabis, et la pénalisation de son usage). Le taux d'infraction pénale à ce sujet est ainsi passé de 2 000 en 1970 à 140 000 aujourd'hui.
Ce constat d’échec donne lieu à deux propositions différentes, contravention de troisième catégorie (punissable d'une amende de 450 euros) d’un côté avec le député UMP, et légalisation de l'usage individuel dans la sphère privée avec et une vente réglementée sous le contrôle de l'Etat pour la députée PS.
Interrogée par Europe1 ce jeudi, Anne-Yvonne Le Drain confie : « Cette politique qui permettrait d'affaiblir les réseaux criminels en réduisant la demande, procurerait des recettes fiscales affectées à la prévention et au soin, et permettrait aux forces de l'ordre de redéployer des moyens sur la lutte contre le trafic. »
La Fédération Addiction se félicite pour sa part que ce rapport montre clairement la nécessité de repenser le « dogme de la guerre à la drogue ». « Une vraie politique des addictions doit donc pouvoir s’adapter aux évolutions de la société autour des quatre axes suivants : réguler l’offre, prévenir, réduire les dommages liés aux usages et améliorer l’accès et la qualité des soins », conclut-elle.
(1) Centres de Soins d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie en ambulatoire