Marie a 32 ans, elle est mère d’un petit garçon de 3 ans. Au moment la pandémie de grippe A H1N1 en 2009, son fils avait quelques mois, on lui a évidemment proposé de se faire vacciner en priorité, pour protéger son bébé, elle a refusé : « Déjà à l’époque je n’ai pas voulu faire ce vaccin, il a été préparé dans l’urgence, je n’avais pas confiance. Alors si on me le proposait pendant ma grossesse, même si ce n’est pas le même vaccin, je le ferais encore moins.»
Même son de cloche chez Estelle, 28 ans, qui a accouché récemment. Pour elle, la grossesse est un moment de la vie où il vaut mieux être le plus nature possible : « On ingurgite déjà trop de choses chimiques, et les médicaments, au moins pendant la grossesse, je préfère éviter. Quand je suis enceinte, je fais attention à tout, à mon alimentation, aux microbes, j’essaie d’avoir une vie saine. Alors je ne vais pas me faire injecter un vaccin à ce moment là, même si je suis plutôt favorable aux vaccins en général. »
Céline, enceinte de 8 mois : « J’ai peur d’un risque pour le bébé, après, dans 10ans ils vont nous dire qu’en fait qu’il y avait un risque pour les femmes enceintes. »
Des témoignages, parmi d'autres qui foisonnent sur les forums de discussion, et qui illustrent les réticences des mamans ou des futures mamans à envisager à se faire vaccinner contre la grippe. Et pourtant, c'est officiel, les femmes enceintes font partie de la liste des personnes éligibles à cette vaccination. Elles figurent dans le calendrier des vaccinations et des recommandations vaccinales 2012, réalisé selon l'avis de Haut conseil de la Santé Publique.
Ce n’est pas la première fois que les spécialistes de la grippe sensibilisent cette population. Déjà pendant la pandémie de grippe A H1N1, la grossesse faisait partie des situations particulières donnant droit à une priorité dans les centres de vaccination. A compter de l’hiver prochain, les futures mamans rejoignent donc les plus de 65 ans et les personnes souffrant de pathologies particulières. Désormais, « être enceinte » est considéré comme un risque potentiel de développer une forme grave de grippe, au même titre que les problèmes cardiaques ou que le fait d’avoir de l’asthme.
Pr Bruno Lina, directeur du Centre national de référence sur la grippe : « Chez les femmes enceintes qui font une forme grave de grippe, on a eu plusieurs cas où le bébé a survécu, mais où la mère est morte. »
L’autre avantage de vacciner les femmes enceintes contre la grippe, c’est qu’avec une seule injection on protège finalement deux personnes. Selon le Pr Bruno Lina, des études scientifiques ont montré que cette vaccination était sûre et qu’elle permettait de protéger efficacement la mère, mais aussi par la même occasion, le nourrisson. Un intérêt majeur, puisque l’on ne peut pas vacciner les très jeunes enfants contre la grippe, même lorsqu’ils ont déjà des facteurs de risque.
Pr Bruno Lina, « La mère vaccinée pendant la grossesse va transmettre ces anticorps au foetus et du coup à la naissance, le bébé sera protégé pendant 2 à 4 mois. »
Difficile de savoir si cette nouvelle recommandation remportera l’adhésion des femmes qui attendront un bébé au cours de la prochaine saison hivernale. En tous les cas, au regard du bilan de la dernière campagne de vaccination, il y a de quoi émettre quelques doutes. Depuis 2010, chaque année, la vaccination antigrippale fait de moins en moins d’adeptes. Cet hiver, seulement 23% des Français de 15 ans et plus se sont fait vacciner. Mais le plus inquiétant pour les spécialistes, c’est que ce taux de vaccination est aussi très insuffisant chez les personnes à risque. Du côté des plus de 65 ans par exemple, alors qu’ils restent la cible principale des campagnes de vaccination, chez eux aussi la situation est préoccupante, seule 1 personne âgée sur 2 a été vaccinée.
Populations à risques, femmes enceintes, les médecins ont un rôle majeur à jouer pour les encourager à se faire vacciner contre la grippe. Leur parole a du poids. Comme le confirme Anne, mère de deux enfants: « Mon généraliste m’a vaccinée contre la grippe l’année dernière quand j’étais enceinte. J’étais confiante et surtout, j’ai confiance en mon médecin. » Selon l'Oms, la grippe saisonnière fait chaque année entre 250 000 à 500 000 morts dans le monde.