Des travaux menés par l'Institut national de la santé publique japonais et remis ce jeudi au ministre de la Santé du pays alertent sur la découverte de quatre substances reconnues comme cancérigènes dans la vapeur des cigarettes électroniques. Une étude qui a très vite circulé sur la toile mais qui comporte plusieurs biais, selon le président de l'Office français de prévention du tabagisme (OFT). « C'est une énième étude sur les e-cigarettes où la méthodologie est très très mal décrite, relève le pneumologue Bertrand Dautzenberg (1). J'ai l'impression que ce sont des cigarettes de 1ère génération à usage unique. On ne connaît pas la marque ni les conditions réelles d'utilisation », ajoute-t-il.
Des doses faibles et inexplicables
Parmi les substances incriminées, l'équipe du Pr Naoki Kunugita a trouvé du formaldéhyde (un composé aussi appelé "formol" connu pour être potentiellement cancérogènes pour l'homme), du glyoxal (ou éthanedial), du méthylglyoxal ou encore de l'acroléine. Pour ce dernier agent toxique par exemple, le Pr Dautzenberg rappelle que « c'est un produit irritant pour l'arbre respiratoire. Mais, pour en avoir, il faut chauffer le milieu à au moins 240 degrés. Or, avec la e-cigarette, il n'y a pas de combustion. Elle chauffe à 50 degrés », précise-t-il.
Concernant les autres produits cancérigènes, l'équipe confie en avoir retrouvé à des doses très variables, « même si les concentrations de certains produits chimiques ont parfois dépassé celles de la fumée de cigarette traditionnelle. »
« Pour une des marques analysées, l'équipe de recherche a trouvé, par exemple, un niveau de formol jusqu'à dix fois plus élevé que celui contenu dans une cigarette », a expliqué à l'AFP Naoki Kunugita.
Sur ces dosages justement, le Pr Dautzenberg estime, pour sa part, qu'ils ont été retrouvés « à des niveaux relativement faibles et la grande majorité de leurs e-cigarettes ne libèrent aucun agent toxique. Seulement certaines de ces marques sont pointées du doigt. Mais comme on ne sait pas lesquelles, ce n'est pas très informatif », affirme-t-il.
Des machines qui fument au lieu de vapoter
Du coup le président de l'OFT précise qu'il vaut mieux rester très prudent avec ces résultats. Autre exemple pour étayer sa thèse, celui des machines utilisées lors de l'expérience qui n'ont pas vapoté comme le préconisent tous les tabacologues, souligne l'expert français.
D'après lui, les tests réalisés avec ces machines ont effectué à chaque fois une série identique de quinze bouffées de deux secondes toutes les trente secondes, à dix reprises, avec la même cartouche.
Or, le pneumologue conseille, lui, de vapoter toutes les cinq minutes. « Il vaut mieux éviter le flash », rappelle-t-il.
Ecoutez le Pr Bertrand Dautzenberg, président de l'OFT : « Ils ont fumé ça comme du tabac. Avec les normes canadiennes de fumage de cigarettes. Des volumes de 55 ml. Les conditions d'expérimentation ne sont pas bonnes...»
Ne jamais vapoter à sec et utiliser les bonnes tensions
Mais la publication de cette étude est l'occasion pour le Pr Dautzenberg de rappeler les précautions d'usage à destination des vapoteurs : « L'idée du produit, c'est toujours de l'utiliser sainement. Le tout en s'assurant que le matériel acheté ne chauffe pas trop. Car j'insiste sur ce point mais la e-cigarette mal utilisée peut libérer des produits toxiques. En France, on dit aux vapoteurs ne marchez jamais à sec et utilisez des tensions "raisonnables" pour ne pas chauffer trop vos e-liquides », conclut-il. Pour cela, mieux vaut ne pas utiliser les e-cigarettes de première génération toujours vendues en France, semble suggérer ce tabacologue de la Pitié Salpêtrière (Paris).
Ecoutez le Pr Bertrand Dautzenberg : « Dès qu'on met plus de pression ou dès qu'on est à sec, il y a ce danger qui est bien réel de libérer du formaldéhyde. C'est vraiment le phénomène de la casserole sur le feu sans liquide et chauffée trop fort. »
(1) Auteur du 1er rapport officiel sur la cigarette électronique remis au gouvernement en mai 2013.