10 ans d’enquête, 50 instituts de recherche, une centaine de scientifiques… Pour cette étude, les gros moyens ont été déployés. Publiée dans la revue Science, elle révèle le travail méticuleux de ces chercheurs en maladies tropicales, qui ont analysé et séquencé le génome complet de 16 nouvelles espèces d’anophèles, ces moustiques vecteurs du paludisme.
Les chercheurs ont ainsi étudié des spécimens d’anophèles provenant des quatre coins du monde (Afrique, Asie, Asie Mineure, Amérique centrale et Océanie). « Ils ont combiné les techniques les plus récentes de séquençage des gènes et de cartographie des chromosomes, avec des méthodologies innovantes d'analyse de séquences et de comparaison de génomes », explique un communiqué de l’Inserm et de l’Institut de Recherche et de Développent (IRD), qui ont tout deux participé à l’étude.
Une évolution génétique particulièrement rapide
Première observation : seule une poignée de moustiques anophèles sont particulièrement nocifs. Ainsi, parmi les 450 espèces d’anophèles présentes sur la planète, une douzaine est responsable de la plupart des transmissions à l’homme. Et selon les continents, les génomes de ces moustiques pourtant issus de la même espèce diffèrent radicalement. Ainsi, ils comptent entre 10.000 et 16.000 gènes par espèce et leur taille varie entre 135 et 275 millions de paires de bases.
Outre ces spécificités génétiques, les résultats révèlent également une évolution particulièrement rapide des espèces, qui s’adaptent très bien à leur environnement. Ainsi, le taux d'évolution moléculaire est cinq fois plus élevé chez l’anophèle que chez les autres insectes, avec une plasticité importante du génome, et de nombreux gains et pertes de gènes (ou de groupes entiers de gènes) au cours de l'évolution.
Pourquoi les moustiques nous aiment
Enfin, les chercheurs ont essayé d’expliquer l'anthropophilie des anophèles – le fait qu’ils aiment vivre au contact de l’homme et fréquenter son habitat. Là de nouveau, tout est question de génétique. Au cours de leur évolution, ces moustiques ont acquis au contact de l’homme certains gènes clés impliqués dans des fonctions essentielles du moustique, telles que la reproduction, le système immunitaire, la résistance aux insecticides, la composition de la cuticule ou de la salive, la perception des odeurs ou la communication hormonale…
Améliorer la lutte antivectorielle
L’objectif de cette recherche était de compléter la littérature existante sur les anophèles, afin d’améliorer les stratégies de lutte contre le paludisme, alors que le paludisme cause plus de 600 000 décès par an, principalement en Afrique subsaharienne. Ainsi, en 2002, des scientifiques ont décrypté le génome du moustique africain, Anopheles gambiae. Ses homologues sud-américain (Anopheles darlingi) et Indien (Anopheles stephensi) ont aussi fait l’objet de publications récentes, en 2013 et 2014.
Mais jusqu’à présent, le manque de connaissances sur les ressources génétiques d’autres espèces d’anophèles limitait les comparaisons permettant d’identifier les caractéristiques clés qui déterminent la capacité de certains moustiques à transmettre les parasites.
« Ces résultats permettront d’améliorer les stratégies de lutte antivectorielle, incontournables pour contrôler la transmission de la maladie en l’absence de vaccin », ont commenté les auteurs de l'étude.