La tentative de suicide a-t-elle des origines biologiques ? C’est une partie des recherches menées par le Pr Philippe Courtet, professeur de psychiatrie à l’université de Montpellier (Hérault) et chercheur à l’Institut de la santé et de la recherche médicale (INSERM). Ce spécialiste reçoit ce 2 décembre le prix du « Projet d’innovation » Marcel Dassault de la Fondation FondaMental. Elle récompense ses travaux sur la vulnérabilité aux conduites suicidaires.
La dépression, une maladie infectieuse ?
Avec la dotation qui accompagne le prix Marcel Dassault, le Pr Philippe Courtet compte lancer un essai d’un an sur 150 femmes. Des expérimentations diverses seront réalisées, ainsi que des prélèvements biologiques. « La recherche doit permettre à l’avenir de proposer des marqueurs cliniques et biologiques afin d’identifier précocement les sujets à haut risque de suicide », précise le chercheur dans un communiqué.
Cette hypothèse est de plus en plus explorée en psychiatrie. Le Dr Turhan Canli, du département de psychologie à l’université de Stony Brook (New York), a récemment pris position sur le sujet. Dans la revue Biology of Mood and Anxiety Disorders, il estime que la dépression pourrait être une maladie infectieuse. Les symptômes sont très proches de ceux d’une maladie infectieuse courante : « Les patients souffrent d’une perte d’énergie; ils ont souvent du mal à se sortir du lit et perdent l’intérêt du monde qui les entoure », détaille le Dr Canli.
Des anti-inflammatoires contre la schizophrénie ?
En dehors du comportement des patients en dépression, c’est leur profil biologique qui intéresse Turhan Canli. « Des études sur les biomarqueurs inflammatoires dans la dépression majeure suggèrent fortement une origine liée à une maladie », écrit-il. En octobre dernier, une méta-analyse parue dans le JAMA Psychiatry a, en effet, conclu à un lien entre anti-inflammatoires et réduction de la dépression.
En réalité, la piste inflammatoire enthousiasme l’ensemble des domaines de la psychiatrie. Schizophrénie, dépression, trouble bipolaire… les essais cliniques dans ce sens se multiplient. En octobre dernier, des chercheurs néerlandais ont suggéré que l’usage de traitements anti-inflammatoires (aspirine, oestrogènes, Fluimucil) peuvent améliorer l’efficacité des traitements antipsychotiques dans la schizophrénie.
Ecoutez le Pr Pierre-Michel Llorca, chef du service de psychiatrie, CHU Clermont-Ferrand : « On a découvert que dans les maladies psychiatriques, il y a des perturbations inflammatoires, immunologiques. »
Du côté des troubles psychotiques dans leur ensemble, les recherches sur l’inflammation livrent des résultats similaires. Les troubles bipolaires sont notamment associés à la présence d’une inflammation et d’anomalies dans l’immunité. Selon le Pr Llorca, ces recherches ont un intérêt pratique pour les patients.
Ecoutez le Pr Pierre-Michel Llorca : « Des essais d’intervention visent à associer aux antipsychotiques des anti-inflammatoires. Il s’agit probablement d’une perspective d’avenir. »
Un symposium organisé lors du 4e Congrès français de psychiatrie a également abordé le sujet. Son compte-rendu est clair : « La piste inflammatoire pourrait permettre de mieux comprendre certains effets des traitements actuels. Il semble ainsi que le lithium puisse avoir un effet sur l’immunité, certains antipsychotiques un effet anti-inflammatoire et certains thymorégulateurs un effet antiparasitaire. »