Des éléments effroyables. Après l’opération de stérilisation qui a coûté la vie à treize femmes en Inde, une équipe indépendante de professionnels de santé a rédigé un rapport d’inspection, distinct de la procédure judiciaire en cours. Il pointe des conditions d’hygiène déplorables.
1 minute 30 par opération
Ainsi, au cours de l’intervention, le chirurgien aurait opéré les 83 femmes sans la moindre précaution d’hygiène. « Aucun membre de l'équipe n'a changé ses gants entre les interventions. Une seule aiguille et seringue d'injection et une même aiguille de suture ont été utilisés pour toutes les opérations. Aucune n'a été stérilisée et aucune nouvelle aiguille n'a été utilisée », peut-on lire.
Les 83 femmes ont été opérées en 90 minutes dans un camp à Bilaspur, dans l'Etat du Chhattisgarh (centre). « Soit environ une minute à une minute trente par opération », souligne le rapport. Après l’intervention, les femmes stérilisées ont été forcées de se coucher sur des matelas à même le sol. Certaines se sont mises à vomir ; d’autres souffraient d'une baisse de la pression sanguine. Elles ont toutes été renvoyées chez elles sans aucun soin postopératoire. Treize sont mortes. Une soixantaine ont été hospitalisées.
Des femmes hospitalisées après l'opération de stérilisation - capture d'écran NDTV
Mortes par infection
Dans un premier temps, les autorités ont mis en cause les médicaments utilisés après l’opération, arguant qu’ils contenaient un agent toxique que l’on retrouve dans la mort aux rats. Pourtant, selon les conclusions du rapport, ces femmes seraient bien mortes d’une « infection ayant conduit à une septicémie ». Le médecin qui a autopsié les corps l’aurait confirmé aux auteurs du rapport. Quant à celui qui a procédé aux opérations, il a été arrêté. Il dément toute négligence et estime qu'il sert de bouc-émissaire. Les autorités l'auraient forcé à « faire du chiffre ».
Les stérilisations de masse sont des méthodes très répandues en Inde pour endiguer la croissance de la population, dans ce pays d’1,2 milliard d'habitants. Elles ont lieu dans le cadre de programmes publics organisés par les États, et ciblent en priorité les habitantes des zones rurales, souvent très mal informées, selon les ONG. « Aucune femme n'a été informée de la procédure, de ce qu'elles subiraient et des possibles effets secondaires », a indiqué à l’AFP Poonam Muttreja, directeur de Population Foundation of India, organisation qui a contribué au rapport.
Le médecin R.K. Gupta (centre) est interrogé par la police après l'intervention - AP/SIPA
Opération avec une pompe à vélo
Les conditions d’hygiène désastreuses sont régulièrement pointées du doigt par les ONG. D’ailleurs, depuis quelques jours, un nouveau scandale agite le pays. Sur les réseaux sociaux, les médias indiens diffusent des photos prises lors d'une de ces opérations, à Banarpal, dans l'Etat d'Odisha. On y voit un médecin, sans blouse, ni masque, ni gant… et avec une pompe à vélo dans les mains. Elle servirait à gonfler l'abdomen des patientes pendant la ligature des trompes par laparoscopie. Ce jour-là, 56 femmes ont été opérées.
« C’est une pratique courante dans les zones rurales qui manquent d'équipements chirurgicaux », a expliqué le médecin au journal Hindustan Times. Il a ainsi pratiqué 60 000 opérations ces dix dernières années, dont de nombreuses avec une pompe à vélo, « sans rencontrer le moindre problème ». Le médecin a même été distingué pour son travail.
Odisha doc uses bicycle pump for sterilisation http://t.co/GAujrcUWtm #ht (Pic: A medical assistant holds the pump) pic.twitter.com/guBMWNHOBQ
— Hindustan Times (@htTweets) 1 Décembre 2014