Réduire l’inflammation liée à l’obésité, ralentir le développement d’un diabète de type 2, c’est ce à quoi est parvenue une équipe de l’université catholique de Louvain (Belgique), chez la souris. Menés par le Pr Patrice Cani et le Dr Amandine Everard, des travaux ont permis d’identifier un mécanisme impliqué dans le développement de l’obésité et du diabète de type 2 dans le cadre d’un régime riche en graisses. Les résultats sont parus dans Nature Communications.
Désactiver une protéine clé
Les chercheurs ont rendu des souris obèses et diabétiques avec une alimentation très riche en graisse. Puis ils ont induit une mutation de manière à désactiver la protéine MyD88, sur-stimulée par ce régime, dans l’intestin des rongeurs. Plusieurs phénomènes en découlent. La réponse du système immunitaire se modifie, et l’inflammation se réduit. « On voit que si on réduit la sur-stimulation, l’organisme se porte mieux et recommence à dépenser de l’énergie », explique Patrice Cani, contacté par pourquoidocteur.
La protéine MyD88 est également présente chez l’homme. Elle fait partie du système immunitaire inné, celui avec lequel on naît, et est extrêmement importante. « Imaginez une pièce dans laquelle vous avez différentes prises de courant, auxquelles vous pouvez brancher vos appareils », illustre le Pr Patrice Cani. « Un appareil détecte un virus, un autre les bactéries gram négatif, un autre les bactéries gram positif… Toute l’information arrive sur un seul interrupteur, qui s’appelle MyD88. » C’est cet « interrupteur » que l’équipe a désactivé.
Transférer les bactéries intestinales
Les chercheurs ont aussi transféré le microbiote intestinal de souris protégées de l’obésité chez d'autres souris sans flore intestinale. Le microbiote intestinal, c’est l’ensemble des micro-organismes (bactéries, virus…) vivant dans l’intestin. Et ce transfert a permis de conférer aux souris une protection. « Le fait de modifier la capacité des bactéries à dialoguer avec nos propres cellules va ralentir le développement de l’obésité, limiter le développement du DT2 », précise Patrice Cani. « Ce qu’on a pu observer, et ce à quoi on aurait peut-être pu s’attendre, c’est qu’en changeant le système immunitaire inné des animaux au niveau de l’intestin, on observe que le microbiote intestinal de ces animaux est également différent. On a pu mettre en évidence le fait que le système immunitaire inné de l’intestin est capable de contrôler la dépense énergétique », conclut le chercheur belge.
Il s’agit d’un premier pas enthousiasmant, car les résultats peuvent être traduits chez l’être humain et ouvre une piste thérapeutique. Mais il faudra encore des années de recherches, car de nombreuses bactéries impliquées dans le phénomène n’ont pas encore été identifiées. « On a une signature génétique du microbiote intestinal qu’on essaie de comprendre, puisque la clé se trouve peut-être au sein de cette modification du microbiote », explique le Pr Cani. « Le fait d’analyser la composition du microbiote intestinal des animaux qui étaient protégés, les métabolites ou les produits que peuvent produire ces bactéries permettrait probablement d’arriver à de nouvelles cibles thérapeutiques. »