Dans le comté de Pima, on n’aime pas les fumeurs – mais alors pas du tout. Le 16 décembre prochain, les membres du conseil de surveillance du comté se prononceront sur une proposition pour le moins étonnante : interdire l’embauche de consommateurs de tabac au sein de son personnel.
Et le texte soumis au vote ne s’arrête pas là, comme le souligne le journal local Arizona Daily Star. Il suggère également de majorer de 30% le prix des assurances santé contractées par les fumeurs qui travaillent déjà au sein du comté. Les vertueux – les non fumeurs – auront, eux, droit à une ristourne de 5$ sur leur assurance.
Des tests de tabac obligatoires
Pour être recrutés par le comté, les postulants devront fournir un certificat médical attestant de l’absence de consommation de tabac depuis un an, y compris de e-cigarettes. Mais encore faut-il vérifier qu’ils ne se mettent pas à fumer une fois embauchés… Peu impressionnés par cette difficulté, les auteurs du texte ont prévu le coup. En cas de soupçon, les autorités pourront imposer aux fonctionnaires un test de dépistage de la nicotine.
« Il ne s’agit pas de punir qui que ce soit, a rassuré le directeur des ressources humaines du comté de Pima. C’est un essai pour encourager les gens à être en bonne santé ». Le comté estime que 32% de ses 2304 employés fument du tabac, et qu’ils coûtent 13,4 millions de dollars chaque année. Or, selon le département Santé, si elle est votée, cette nouvelle mesure permettrait d’économiser un million de dollars par an, « grâce au départ à la retraite des fumeurs » et au « remplacement par des employés en meilleure santé ».
Mais la déclaration de bonnes intentions est loin de faire l’unanimité. Dans les colonnes du Daily Star, le Dr Michael Siegel, professeur de santé publique à l’Université de Boston, fervent défenseur des lieux sans tabac, estime que cette interdiction va un peu trop loin. « C’est une forme de discrimination à l’embauche », dénonce-t-il. Et pourquoi ne pas pénaliser les obèses ou les malades chroniques, qui coûtent cher, eux aussi ? « Ce n’est pas notre intention, a affirmé le DRH. Consommer de la nicotine est un choix de vie délibéré. Une chose à la fois… ».
Fumer ou se soigner : en Angleterre, il faut choisir
Les Etats-Unis ne sont pas les seuls à briller par leur inventivité en matière de lutte contre le tabac. Au Royaume-Uni, le NHS a émis des recommandations spécialement pour les fumeurs. Ils se verront refuser une opération programmée s’ils ne se résignent pas à abandonner leur pêché mignon.
La pratique a déjà cours, y compris pour des opérations plus urgentes. Le Daily Mail raconte ainsi l’histoire d’un homme qui s’est cassé le coude en 2009. Par quatre fois, son opération a été annulée car il n’a pas tenu sa promesse d’arrêter de fumer. Résultat : son coude s’est ressoudé tout seul… avec des résultats plus que mitigés.
Capture d'écran Daily Mail
Et en France ?
« Ce genre d’initiatives ne devraient pas arriver en France de sitôt, estime Jacques Le Houezec, spécialiste du tabagisme. Notre système de santé ne le permettrait pas. En revanche, les assurances privées pourraient mettre en place des mécanismes d’incitation. Elles commencent déjà à rembourser les substituts nicotiniques… On pourrait imaginer qu’elles fassent payer moins cher les non-fumeurs ».