Serge Lazarevic est enfin libre ! Après plus de trois ans au Sahel (Mali), l’ex-otage âgé de 50 ans a atterri mercredi matin à l'aéroport militaire de Villacoublay (78), près de Paris. Il était le dernier otage français recensé à ce jour.
Serge Lazarevic est actuellement examiné à l’hôpital militaire du Val-de-Grâce. Il est soumis à une batterie de tests pour vérifier l'état de ses yeux, de ses articulations etc... Et d’après un communiqué de l’Elysée il serait « en relativement bonne santé », malgré les conditions très éprouvantes de sa longue captivité. Mais pour lui débute maintenant une phase délicate de sa nouvelle vie, celle de la reconstruction. Pour en savoir plus sur cette période qui peut durer plusieurs années pourquoidocteur a interrogé Carole Damiani, psychologue au sein de l’association Paris Aide aux Victimes.
Quelle est la prise en charge psychologique immédiate d’un ex-otage ?
Carole Damiani : Alors tout d’abord, l'ex-otage passe une batterie d'examens médicaux. C'est ce qui prime au départ. La prise en charge psychologique n'arrive que dans un second temps. Les médecins la proposent à chaque fois. Mais très souvent, l’ex-otage la refuse. A son arrivée il est dans un sentiment d’euphorie et pense qu’il n’a besoin de personne. Pourtant un premier diagnostic rapide sur l’état mental du patient est important. Déjà pour faire une première prise de contact. Elle va faciliter par la suite un vrai travail thérapeutique qui sera cette fois-ci sur la longueur.
Et une fois l'euphorie passée qu'elle est le suivi médical ?
Carole Damiani : Alors le suivi ne se fait pas forcément en une seule fois avec des rendez-vous réguliers. Il peut durer plusieurs années et avec des interruptions.
En général, les ex-otages sont suivis dès leur retour par des spécialistes des traumatismes liés au terrorisme. Ces derniers les suivent tout au long du processus de reconstruction car ils connaissent le patient et savent comment aborder la période difficile. Bref, en s’adressant à plusieurs personnes le sujet peut avoir le sentiment de ne pas avancer et de s’éparpiller. Comme s’il recommençait à chaque fois la thérapie.
Concrètement, comment se passe une consultation chez un spécialiste ?
Carole Damiani : La plupart du temps il y une mise sous médicaments nécessaire. Les ex-otages prennent donc soit des antidépresseurs, soit des anxiolytiques. Certains vont aussi bénéficier de séances de relaxation pour faire baisser la pression intérieure. La psychothérapie est aussi un traitement classique dans ce genre de situation. C'est le plus efficace sur le très long terme. La concernant, il s'agit d'un lien avec la parole pour essayer de comprendre comment on a fonctionné pendant la captivité, pourquoi on ressent encore de la culpabalité ou de la honte... C'est un questionnement permanent.
Certains ex-otages s’en sortent-ils sans symptômes ?
Carole Damiani : Alors les symptômes psycho-traumatiques de type PTSD sont très fréquents chez les victimes du terrorisme. Ils se manifestent quand ils ont été confrontés à la mort ou quand ils ont été eux-mêmes menacés de mort. Mais il n’y a pas que ça. Le traumatisme peut-être plus profond. Il y a aussi parfois un état dépressif qui va se manifester.
Lorsque les symptômes ont disparu, est-ce qu'il y a un risque de rechute ?
Carole Damiani : Oui mais avant cela, il faut savoir que ceux qui bénéficient d'un suivi psychologique ont un risque moins important de Trouble de stress post-traumatique (PTSD). Mais lors de moments forts en émotion pour ces ex-otages les symptômes peuvent resurgir. C'est déjà arrivé par exemple lors de la cérémonie de commémoration des victimes du terrorisme qui a lieu chaque année aux Invalides (Paris).
Ces rechutes peuvent aussi intervenir lors des anniversaires ou au moment de la disparition d’un proche.
Enfin, le fait de revoir un ex-otage peut aussi présenter un risque de rechute.
Quel est le rôle de la famille dans la reconstruction ?
Carole Damiani : C'est très clair, le rôle des proches est essentiel. Ils doivent se mettre a disposition de l’otage. Et concrètement lui proposer de parler de la captivité à n’importe quel moment de la journée. Après c’est à l’otage de décider s’il souhaite se confier ou pas.
Pour les proches d’ailleurs, des séquelles peuvent aussi apparaître. Certains ont souvent du mal à savoir comment se placer face à la victime du traumatisme. Il faut aussi les aider. Et ça on ne le fait pas suffisamment en France. Ces personnes aussi se posent des questions et souvent personne n'est là pour y répondre. C'est important de penser aussi à eux, en les aiguillant par exemple. Mais pour eux, on ne parle pas de psychothérapie mais de guidance.