Ce sont les héros de l’année. Le monde les a découverts à la télévision et dans les journaux, emmitouflés dans des combinaisons jaunes, masqués, cagoulés. On ne connaît pas leur visage, mais on devine leur courage, incommensurable.
« Ils ont pris des risques et persisté »
Les « combattants d’Ebola » ont été élus personnalité de l’année 2014 par le magazine Time. Médecins, infirmiers, bénévoles, membres des ONG… Dès les premiers jours de l’épidémie qui sévit en Afrique de l’Ouest, ils ont volé au secours des patients, défiant les lois de la contagion. « Ils ont pris des risques et persisté, ont fait des sacrifices et ont sauvé », résume la rédactrice en chef Nancy Gibbs sur le site internet du journal.
Et ils l’ont payé cher. Car le personnel soignant est en première ligne, et gonfle les rangs des patients atteints du virus – 17 800 personnes contaminées, dont 6 331 décès. « Quiconque veut soigner une victime d’Ebola prend le risque d’en devenir une », prévient Nancy Gibbs.
Le journal évoque tout particulièrement les membres de Médecins Sans Frontières, ainsi que les secouristes chrétiens de Samaritan’s Purse, présents au côté des médecins, infirmières et ambulanciers locaux. Et ce, alors que l’OMS sous-estimait l’ampleur de la catastrophe et que les gouvernements manifestaient leur impuissance. « Les premiers à réagir ont été accusés de crier au loup », se souvient Nancy Gibbs.
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Nancy Gibbs explique les raisons qui l'ont poussée à désigner les combattants d'Ebola "personnalité de l'année 2014"
« Mourir seul avec des hommes en combinaison … »
Sur place, les médecins – étrangers comme locaux – témoignent des conditions épouvantables dans lesquelles ils travaillent, et des situations terribles qu’ils vivent. La rédactrice en chef du Time rapporte les propos du président de MSF, le Dr. Joanne Liu. « Vous voyez des gens combattre la mort, éloignés de ceux qu’ils aiment, avec pour seule compagnie des hommes en combinaison spatiale. On ne devrait jamais mourir seul avec des hommes en combinaison spatiale… ».
Alors, se pose une question. Pourquoi ? Qu’est-ce qui peut guider ces hommes et ces femmes à risquer leur vie pour préserver celle des autres ? « Certains parlent de Dieu ; d’autres de leur pays, ou encore de l’instinct qui consiste à se jeter dans le feu, plutôt que de s’en écarter », relate Nancy Gibbs.
Grâce à eux, « le reste du monde peut dormir la nuit »
Pourtant, ce dernier réflexe, beaucoup l’ont eu. Quand une infirmière américaine est revenue de mission en Sierra Leone, sans symptômes, avec un test négatif, les autorités l’ont forcée à prendre quelques jours de quarantaine, avant de la libérer sous la pression internationale. Un groupe Facebook a vu le jour pour demander à ce qu’elle ne revienne pas dans sa ville. Le secrétaire général de l’ONU s’était adressé aux autorités américaines pour leur rappeler que les membres du personnel soignant qui rentrent d’Afrique de l’Ouest sont une ressource rare, « des gens exceptionnels qui ne devraient pas être soumis à des restrictions qui n'ont pas de base scientifique ». Ce n’est qu’une anecdote parmi beaucoup d’autres.
La distinction du Time, qui consacre chaque année sa Une aux personnalités qui font le monde, immortalise le courage des combattants d’Ebola. « Le reste du monde peut dormir la nuit parce qu’une poignée d’hommes et de femmes ont décidé de se battre », écrit encore Nancy Gibbs.
En 2013, le Pape avait reçu le même hommage. A la deuxième position du classement figurent les manifestants de Ferguson, qui ont protesté après la mort d'un jeune Noir non armé tué par un policier blanc.