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Infections alimentaires

Faut-il avoir peur de la bactérie Escherichia coli ?

Par Afsané Sabouhi

Trois enfants sont actuellement hospitalisés au CHU de Bordeaux pour des infections dues à la bactérie E. coli. Mais le scénario dramatique allemand de l’été dernier peut déjà être écarté.

Le Centre National de Reference Escherichia coli / Shigella de l\' Institut Pasteur DURAND FLORENCE/SIPA/

Escherichia coli de son patronyme complet est une bactérie très représentée dans la flore intestinale des animaux à sang chaud. Egalement appelée colibacille, elle se multiplie toutes les 20 minutes à 37°, ce qui en fait l’un des organismes les plus facilement cultivés et étudiés par les biologistes. Il existe de nombreuses souches différentes. Certaines sont constamment présentes dans notre système digestif et totalement inoffensives tandis que d’autres peuvent causer diverses infections comme des gastroentérites, des infections urinaires ou des méningites. Dans le cas des infections alimentaires ayant entrainées l’hospitalisation de trois enfants à Bordeaux, la souche incriminée est une Escherichia coli capable de produire des Shiga-toxines, des toxines destructrices pour certaines cellules de l’intestin. Ces trois enfants, hospitalisés entre le 15 et le 20 juin, auraient tous les trois consommé des steaks hachés achetés dans deux magasins différents, ce qui a entraîné le lancement le week-end dernier d'une alerte sanitaire. Leur état semble s'améliorer de jour en jour. 


Comment est-on infecté ? 
Les ruminants sont les principaux porteurs de cette Escherichia coli toxique pour l’homme, dans leur tube digestif, ce qui peut entraîner une contamination de leur viande et de leur lait. L’ingestion de viande insuffisamment cuite, de produits au lait cru ou de légumes et fruits crus contaminés par des engrais naturels est donc le mode le plus fréquent d’infection. Mais les mains souillées après avoir touché des animaux porteurs de la bactérie, du fumier contaminé ou les selles d‘un enfant malade peuvent également transmettre l’infection.

Quels sont les symptômes ? Les premiers symptômes se manifestent dans la semaine suivant la consommation d’aliments contaminés et prennent la forme d’une gastro-entérite avec diarrhées, douleurs abdominales, vomissements... Elle guérit souvent spontanément sous 8 jours. Mais il arrive chez l’enfant, dans 5 à 8% des cas, que l’infection évolue vers une forme plus grave. Appelée syndrome hémolytique et urémique, elle s’attaque aux globules rouges et aux reins, il est donc parfois nécessaire d’hospitaliser les enfants pour recourir à des transfusions sanguines et des dialyses.

Dr François-Xavier Weill, responsable du Centre national de référence des E. coli à l’Institut Pasteur à Paris : « L’enfant, le plus souvent en bas âge, devient pâle et n’urine plus ».



Pourquoi de nouveaux cas maintenant ? En France, une centaine de cas de syndromes hémolytiques et urémiques surviennent chaque année chez des enfants de moins de 15 ans. 60% de ces enfants ont moins de 2 ans, leur système digestif et immunitaire étant moins apte à se défendre contre l’infection. On observe systématiquement davantage de cas entre juin et septembre que pendant les mois plus froids de l’année.

2011 aura été l’année d’Escherichia coli. Entre mai et juin en Allemagne, 4231 personnes ont été infectées, 852 ont développé une forme grave et 52 en sont mortes. Cette épidémie inhabituelle était due à une forme extrêmement rare d’Escherichia coli à Shiga-toxines plus agressive pour les cellules intestinales et résistante aux antibiotiques. L’aliment finalement incriminé, des graines germées, explique que 89% des personnes touchées étaient  des adultes et majoritairement des femmes. 8 adultes ont également été hospitalisés à Bègles, près de Bordeaux, fin juin 2011 après avoir consommé des graines germées du même producteur.
Mais ce colibacille plus agressif n’est pas celui qui infecte les steaks hachés et les spécialistes ne notent pas d’augmentation du nombre de formes graves si l’on excepte l’année dernière.

Dr Véronique Vaillant, épidémiologiste de l’Unité risque infectieux d’origine alimentaire de l’Institut de veille sanitaire : « Depuis 1996, le nombre de formes graves reste stable, autour de 100 par an » 


Comment surveille-t-on ce risque infectieux ? 
Le lieu crucial est l’abattoir puisque c’est le contact avec l’intérieur des viscères ou le cuir souillé par des excréments contaminés qui infecte la viande. Les services vétérinaires de la Direction générale de l’Alimentation sont donc présents dans chaque abattoir pour effectuer des contrôles ante et post mortem sur les animaux. Tout au long de la chaîne « du champ à l’assiette », des contrôles planifiés ou non planifiés évaluent l’hygiène et le respect de la chaîne du froid. Et depuis l’épidémie des graines germées, les spécialistes préconisent aux fabricants de faire tester l’eau servant à la germination avant la commercialisation de chaque lot.

Comment protéger sa propre assiette ? Quelques mesures de prévention permettent d’éviter cette infection que les Nord-Américains appellent maladie du hamburger ou syndrome du barbecue. La bactérie étant éliminée par une température de plus de 65°, les viandes et surtout la viande hachée de boeuf, doivent être bien cuites à coeur pour les jeunes enfants. Le lait cru et les fromages à base de lait cru ne doivent pas être consommés avant 3 ans. Les légumes, fruits et herbes aromatiques consommés crus, doivent être soigneusement lavés et épluchés autant que possible. Enfin, le lavage des mains doit être systématique en sortant des toilettes et avant la préparation d’un repas.