Les arguments en faveur de l’auto-mesure de la pression artérielle se multiplient, les objets connectés aussi… mais les outils fiables ne suivent pas toujours. L’unité d’hypertension artérielle à l’Hôpital Européen Georges-Pompidou (HEGP, Paris 15e) a décidé de prendre le taureau par les cornes. Ce 16 décembre, à 11 heures, le site Hy-Result a ouvert ses portes. Le principe de l’auto-mesure est respecté. Son plus : un protocole scientifique et un algorithme approuvé qui livrent un premier avis médical.
« Un geste courant »
C'est la première application médicale de l’auto-mesure, mais le sujet est depuis longtemps abordée dans le domaine de l’hypertension artérielle. De nombreux appareils sont disponibles sur le marché français. C’est aujourd'hui un geste routinier pour les patients.
Ecoutez le Pr Pierre Corvol, professeur émérite au Collège de France : « L’automesure à domicile, avec des appareils calibrés et validés, est devenu un geste courant. »
Le logiciel Hy-Result propose un suivi sur 7 jours de la pression artérielle, à raison de trois mesures le matin et trois le soir. Au début et au terme du protocole, une série de questions sont posées au participant. Ensuite, un compte rendu précis est livré, ainsi qu’un code couleur. Si les résultats sont dans le vert, la pression artérielle est contrôlée. S’ils sont dans l’orange ou le rouge, une consultation médicale est conseillée. Ce dispositif, disponible en version web, mobile, ou intégré dans l’application Withings Health Mate, permet donc de prévenir l’hypertension artérielle.
L’auto-mesure de la pression artérielle s’adresse virtuellement à tous. Mais les normes varient selon l’âge. L’équipe de l’HEGP a fait le choix délibéré d’exclure certaines populations particulières. Pour les adultes, en revanche, l’application Hy-Result a un intérêt réel.
Ecoutez le Dr Nicolas Postel-Vinay, unité d’hypertension artérielle (HEGP) : « Les femmes qui prennent une pilule oestro-progestative doivent mesurer leur pression artérielle. Notre logiciel ressort que leur contraception peut être à l’origine d’un résultat anormal. »
Des mesures plus proches de la réalité
L’intérêt de l’auto-mesure, c’est qu’elle motive les patients à prendre en main leur santé. Pour le médecin aussi, elle comporte un bénéfice non négligeable. Entre la consultation et le domicile, des différences peuvent émerger sur les mesures. Certains patients auront une tension normale dans les deux cas, d’autres une hypertension. Mais il arrive que la pression artérielle soit normale en cabinet et élevée à la maison (hypertension masquée) ou l’inverse (effet blouse blanche). « Cela justifie de loin la nécessité des mesures à l’extérieur du cabinet médical », estime Guillaume Bobrie, membre de l’unité d’hypertension artérielle à l’HEGP. L’auto-mesure « élimine l’effet blouse blanche, peut éliminer ou détecter l’hypertension masquée, et cela prédit mieux le risque cardio-vasculaire que la mesure conventionnelle, en cabinet médical », poursuit le spécialiste. Mais cette possibilité s’est le plus souvent développée hors du circuit médical. Avec Hy-Result, l’Hôpital Européen Georges-Pompidou veut rapprocher l’auto-mesure des médecins.
Ecoutez le Dr Nicolas Postel-Vinay, unité d’hypertension artérielle (HEGP) : « Quand on a vu ces pratiques émerger, on avait 2 solutions : dire non, ce n’est pas sérieux, ou imposer des règles scientifiques à ces innovations. »
Un algorithme certifié
En plus de médicaliser l’auto-mesure, l’application vulgarise la lecture des résultats. « 100 % de la population adulte est concernée par la mesure de sa pression artérielle. On pense donc qu’il faut automatiser un 1e niveau de compréhension pour que les personnes puissent gérer adéquatement leur situation en dehors de l’avis médical », estime le Dr Postel-Vinay. « Si on peut, de façon informatisée, trier l’accès au médecin, je pense qu’on est sur la bonne voie. »
Mais pour contrôler l’hypertension, encore faut-il s’assurer de la qualité des mesures. Pour cela, Hy-Result renvoie vers le site automesure.com, créé par Nicolas Postel-Vinay, qui livre de nombreux conseils. L’algorithme utilisé par l’application a lui été testé auprès de 200 patients. Les résultats de l’essai de faisabilité sont parus en mars dernier dans le Journal of Hypertension. C’est la seule application à offrir cette garantie.
Et les résultats sont au rendez-vous : au cours de l’essai, la pression systolique était améliorée de 5 mm Hg, la pression diastolique de 2 mm Hg… soit environ la moitié de ce qu’on parvient à atteindre avec des hypotenseurs. La technique a également permis d’améliorer le suivi du traitement... et ne coûte pas plus qu'une prise en charge traditionnelle.