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Erreur médicale lors de l’accouchement

Enfant handicapé à vie : l'obstétricien condamné à 11 millions d’indemnités

Par Suzanne Tellier

Un médecin a été condamné à verser 194 000 euros par an à un jeune homme handicapé à 100% depuis sa naissance, à cause d’une erreur médicale.

Rex Features/REX/SIPA

Philippe Giardina, 14 ans est tétraparésique depuis sa naissance, le 29 juillet 2000. Ce jour-là, dans une clinique de Cagnes-sur-Mer (Alpes-Maritimes), l'accouchement vire à l'erreur médicale. Aujourd'hui, il est atteint au niveau des quatre membres par une diminution des possibilités de contraction des muscles.

Asphyxie
Pendant plusieurs heures, le gynéco-obstétricien tente d’extraire le bébé, à la main et à l’aide de spatules. En vain - sa tête est mal positionnée. Il décide alors de procéder à une césarienne. Selon les éléments de l’enquête, le bébé naît sans un pleur, et il est « mou ». En état d’asphyxie, il est transféré en réanimation. Il gardera des lésions irréversibles. Son espérance de vie est aujourd’hui de 44 ans.

Pour les juges, Toufic Seklaoui a commis des « fautes » qui ont provoqué le handicap de l’adolescent. Le médecin a été relaxé en première instance en 2010, puis condamné pour blessures involontaires et altération de preuve en 2012 - mais il a fait appel. Il est accusé, entre autre, d’avoir falsifié le dossier médical de l'accouchement.

Cette nouvelle décision d’indemnisation est beaucoup plus sévère que la précédente, et c’est une première en France. L’obstétricien a été condamné à payer une rente annuelle de 194 000 euros à Philippe Giardina, soit 11 millions d’euros au total. Il devra aussi verser aux parents près de 2 millions d'euros, ainsi que 7300 euros par an.

Prise en charge médicale permanente
Les indemnités visent à couvrir les frais médicaux, nombreux. Car le jeune homme nécessite une prise en charge totale et permanente à domicile. Il ne parle pas, ne peut se nourrir seul ni se lever de son fauteuil roulant.

« La vie gâchée n’a pas de prix, estime Sandrine Giardina, la mère de l’adolescent. J'ai longtemps attendu que le médecin demande pardon à Philippe, j'étais prête à demander qu'il soit son parrain ». Mais les excuses ne sont jamais venues.

Sandrine Giardina pense désormais à attaquer les premiers experts, qui avaient conclu dans un premier temps à l’innocence de Toufic Seklaoui. « Les premiers rapports affirmaient que le manque d'oxygène qui a handicapé Philippe était dû à une chute du bébé après l'accouchement ! affirme l’avocat de la famille, sur le site du Figaro. Les Giardina ont dû solliciter eux-mêmes des contre-expertises ». Le médecin, qui a reçu un blâme de l'Ordre des médecins, exerce toujours.

Indemnités élevées, rares accidents
Ce genre d’accident reste assez rare en France. La MACSF, qui assure une grande partie des professionnels de santé, a comptabilisé 14 erreurs obstétricales ayant entraîné une mise en cause de l’établissement ou du médecin en 2013. « Ces déclarations de sinistres concernent des erreurs ou retards de diagnostic de malformations fœtales, mais surtout les conditions de prise en charge des parturientes (interprétation du rythme cardiaque fœtal, décision à l’extraction…) », peut-on lire dans le rapport 2014 de la compagnie d’assurance. L’obstétrique figure en septième position parmi les spécialités qui déclarent le plus de sinistres (médecine générale en tête).

En revanche, ces déclarations donnent souvent lieu des indemnités particulièrement élevées. Ainsi, parmi les trois erreurs médicales les plus indemnisées en 2013, deux portent sur un accouchement (2 256 684 € pour une sage-femme, 1 771 197 € pour un obstétricien). Dans les deux cas, les bébés ont conservé des infirmités motrices cérébrales irréversibles, ce qui explique l’ampleur des montants.