Le magazine américain Time a élu le personnel soignant qui lutte contre Ebola en Afrique de l’Ouest, personnalité de l’année. Alors, pour ceux qui ont raté un épisode phare ayant agité la sphère médicale cette année, la rédaction de pourquoidocteur offre une rétrospective des douze derniers mois.
Fin de vie : le Dr Bonnemaison acquitté et la loi Leonetti remaniée
L'année s'achève avec un débat sanitaire, politique et sociétal de grande ampleur : la fin de vie et le droit de mourir dans la dignité. Cela commence en mai avec le procès du Dr Nicolas Bonnemaison qui risquait 5 mois de prison. Le procès s'achève en juin, sur l'acquittement du médecin. Accusé d’avoir empoissonné 7 de ses patients, l’urgentiste a cependant été radié de l’Ordre des médecins. Une décision confirmée et rendue définitive le 30 décembre dernier par le Conseil d'Etat. Loin d'être un tueur en série, le médecin a mis fin aux soins de patients en état végétatif ou en phase terminale afin de leur permettre de mourir dans la dignité, mais en dehors de tout protocole. Aucune famille des défunts n’a porté plainte et certaines l’ont même soutenu dans son combat judicaire, ainsi qu’une centaine de praticiens qui ont fortement protesté contre sa radiation. Cette affaire a ravivé la brûlante question de la fin de vie en France.
De la loi Leonetti appliquée en 2005 qui interdit l’acharnement thérapeutique jusqu’au rapport Sicard en 2012 qui préconise l'injection d'une substance létale à un patient en fin de vie à sa propre demande, le sujet fait effectivement fait l’objet d’un débat houleux depuis ces 10 dernières années. Mais le nouveau rapport rédigé par les députés Alain Clayes et Jean Léonetti dévoilé mi- décembre pourrait changer la donne. Pas de révolution en vue, mais un prolongement très probable de la loi Leonetti, peu connue, mal appliquée, mal expliquée. Et une plus ample place faite à la parole des patients. En effet, les patients en fin de vie ou en état végétatif pourront bénéficier pourront bénéficier de deux nouveaux droits pour mourir : ces derniers pourront exiger des médecins l’arrêt des soins et la sédation « profonde et continue jusqu’au décès ». De surcroît, les « directives anticipées » - sorte de testament écrit par les patients qui permet d’exprimer son opposition à l’écharnement thérapeutique - auront un caractère contraignant alors qu'elles n'étaient jusqu’ici que simplement indicatives.
Une grève inédite des médecins à Noël
« Entre 60 et 80 % des cabinets de généralistes et spécialistes seront fermés aujourd’hui selon les régions, se félicitait, le 24 décembre, le président de la CSMF (1), princpal syndicat de médecins libéraux, le Dr Jean-Paul Ortiz. Si on cumule les praticiens qui exercent en clinique et ceux qui possèdent leur cabinet, on est à 80-90 % de grévistes. Du jamais vu ! »
Avec cette mobilisation inédite la colère des médecins français aura très certainement atteint son paroxysme en 2014. Pour comprendre, l'ensemble de la profession (libéraux, cliniques, urgentistes...) est mobilisée contre le Projet de loi Santé de Marisol Touraine qui devrait être débattu au Parlement au printemps 2015.
Parmi les revendications des grévistes figure la généralisation du tiers-payant, la réorganisation territoriale des soins avec le pouvoir accru des Agences Régionales de Santé (ARS), et la redéfinition du Service Public hospitalier. Sur ce dernier point, les médecins libéraux dénoncent un projet de loi « centré sur l’hôpital », annonciateur de « la mort de la médecine libérale. » Celui-ci menacerait notamment la liberté d'installation des professionnels.
Parmi ces derniers, on trouve aussi les généralistes et leur syndicat (MG France) qui veulent que la ministre de la Santé mettent fin à l'avenant 19 qui prive la médecine générale de la consultation à 25€. Enfin, pour eux, la viste à 33 euros (qui date de 2002) doit passer à 56 euros.
Ebola : l'épidémie la plus longue et la plus meurtrière depuis la découverte du virus
L’année a aussi été marquée par une épidémie sans précédent du virus Ebola en Afrique de l’Ouest. Déclarée en mars, l’épidémie a fait plus de 20 000 cas et de 7 700 morts en l’espace de 8 mois, notamment en Guinée, au Sierra Leone, et au Libéria, les 3 pays les plus touchés. Le virus a également causé 8 décès au Nigeria, et 6 au Mali. Au cours de l’été, l' épidémie a été déclarée « hors de contrôle »
Transmissible d’homme à homme par contact direct avec les fluides corporels, le virus a été transporté jusqu’aux Etats-Unis par un médecin, qui n’a pas survécu. En Europe, plusieurs pays dont l’Espagne (un cas confirmé) et la France ont tremblé face aux retours de voyageurs en provenance des pays contaminés ou d’agents de santé contaminé mais aucun décès n’a eu lieu sur le continent.
Au 18 décembre 2014, plus de 3 300 Médecins Sans Frontières étaient présents en Guinée, en Sierra Leone, au Liberia et au Mali, dont 306 expatriés internationaux. Parmi les médecins et les agents de santé, 240 ont été contaminés par le virus. Des chiffres sans précédent. Par ailleurs, la gestion de l’épidémie témoigne d’une grave inertie de la part de l’OMS. En effet, l’organisation de l’ONU a reconnu elle-même dans une lettre interne qu’elle n’a pas réagi à temps et que les moyens déployés pour sauver ces pays africains se sont révélés insuffisants.
L'épidémie est aujourd’hui éardiquée au Nigeria et stabilisée en Sierra Leone grâce à la construction de nouveaux centres de traitement et de la mobilisation des médecins. Mais selon le Pr Peter Piot, co-inventeur d’un vaccin contre Ebola en 1976, elle pourrait durer encore un an.
Chikungunya : une épidémie de grande ampleur (Polynésie, Antilles)
La France a elle aussi été touchée par des épidémies de grand ampleur en 2014. Avant celles de l'hiver (grippe, gastro-entérite), notre pays a dû affronter les épidémies liées aux maladies infectieux tropicales (chikungunya, dengue). A la mi-décembre, le nombre de polynésiens touchés par le chikungunya s'élevait ainsi à 35 000, selon un récent bilan du bureau de veille sanitaire de Polynésie française (depuis l’apparition du virus en octobre dernier).
Sur ces dizaines de milliers de cas, les autorités récencent 7 décès, dont celui d’un nourrisson. Les patients, qui ont succombé, présentaient tous un profil fragile. Parmi elles, trois personnes âgées, dont une souffrait d’insuffisance rénale chronique, et un nourrisson de huit jours, infecté par sa mère à la naissance. Mais avant la Polynésie, ce sont les Antilles françaises qui ont elles aussi été fortement touchées par ce virus. En Martinique, depuis décembre 2013, le nombre total estimé de cas ayant consulté un médecin généraliste est de 72 200. Et en Guadeloupe, depuis le début de la surveillance, le nombre total de cas cliniquement évocateurs de chikungunya est estimé à 81 270.
Enfin, la métropole compte également son lot de patients contaminés par les moustiques Aedes albopictus. Ainsi, du 1er mai au 30 novembre 2014 on y recense 1 492 cas suspects de dengue ou de chikungunya. Parmi eux, l'InVS confirme 163 cas importés de dengue, 443 cas importés de chikungunya, 6 cas importés co-infectés, 4 cas autochtones de dengue, et enfin 11 cas autochtones de chikungunya (ils ont contracté la maladie sans avoir voyagé dans une zone endémique). Une situation inédite depuis 2010.
(1) Confédération des Syndicats Médicaux Français
5 chiffres qui ont marqué l’année |