Pour la première fois depuis une dizaine d’années, une nouvelle pilule contre l’obésité vient d'être autorisée à la commercialisation. Cela se passe aux Etats-Unis, un pays où 35% des adultes sont obèses. Et ce médicament à base de lorcaserine, le principe actif, a des indications très encadrées.
Approuvée par la Food and Drug Administration (FDA), il est indiqué pour les adultes obèses ayant un indice de masse corporel (IMC) de 30 ou plus, ou pour les personnes dont l’IMC est de 27 mais qui souffrent d’hypertension artérielle, de diabète de type 2 ou de cholestérol élevé. Ces indications de prescrition sont valables pour les USA.
Mais, un dossier d’autorisation de mise sur le marché (AMM) a aussi été déposé à l’Agence européenne du médicament. Ce médicament est donc susceptible d’arriver en France.« Quel est le rapport bénéfices/risques de cette molécule ? » C’est la première question que se pose Anne Sophie Joly, la présidente du Collectif national des associations d’obèses (CNAO). C’est vrai que depuis l’affaire du Médiator (Isoméride), les médicaments anti-obésité suscitent du scepticisme et de la méfiance.
Le mode d'action. La lorcaserine régule l’appétit en agissant sur un récepteur de la sérotonine dans le cerveau. La sérotonine est une molécule messagère du système nerveux central qui intervient notamment dans la physiologie de l’appétit. Or le problème, c’est que tous les médicaments déjà retirés du marché, comme l’isoméride, agissaient aussi sur ces récepteurs à la sérotonine...
Mais, il existe plusieurs récepteurs différents. « Il semble que la lorcaserine cible avec beaucoup d’affinité les récepteurs 5-HT2C qui se trouvent dans le cerveau, dans les circuits impliqués dans la régulation de la satiété, précise le Pr Olivier Ziegler, chef du service de diabétologie, maladies métaboliques et nutrition au CHU de Nancy, labellisé centre spécialisé en obésité. Cela fait une différence avec l’isoméride qui agit sur les récepteurs 5-HT2B, des récepteurs qu’on retrouve entre autres dans les valves cardiaques et sur les cellules musculaires des artères pulmonaires, ce qui explique que cette molécule soit responsable de valvulopathies et d’hypertension artérielle pulmonaire. »
Cette sélectivité du lorcaserin aurait été démontrée in vitro, chez l’animal, puis au cours de plusieurs essais cliniques chez l’homme (cf. New England Journal of Medicine). D’après les échographies cardiaques rélisées chez les participants aux essais cliniques, aucun effet sur le cœur n’a été observé. « Comme pour tous les médicaments, il faudra du recul, des études longues, des études dans la « vraie vie ». Mais pour l’instant, d’après les premières analyses, la molécule est considérée comme sûre », estime le Pr Ziegler.
Pr Olivier Ziegler, diabétologue au CHU de Nancy: « C’est une molécule qui a 100 fois plus d’affinité pour les bons récepteurs que pour les mauvais ».
Les risques. Un avis qui n’est pas partagé par d’autres experts comme le Pr Jean-Louis Montastruc. Le chef du centre de pharmacovigilance de Toulouse doute de la sélectivité de la lorcaserine, notamment lorsqu’elle sera prescrite dans la vraie vie et non plus dans les conditions d’encadrement très strictes des essais cliniques.
La FDA a d’ailleurs exigé que le laboratoire qui fabrique la lorcaserine, Arena Pharmaceuticals, mène de nouvelles études cliniques pour évaluer le riques cardiovasculaire après sa mise sur le marché aux USA. Notons aussi, que le comité d’experts de la FDA avait aussi il y deux ans retardé la mise sur le marché de la lorcaserine suite à des inquiétudes concernant la formation de cancers chez les rats.
Le Pr Olivier Ziegler pointe aujourd’hui la vigilance au niveau du cerveau. « L’ennui, comme pour tous les médicaments qui agissent sur le cerveau, c’est qu’il y a un certain nombre d’effets secondaires possibles. Les effets observés dans les essais thérapeutiques sont considérés comme mineurs : des céphalées, des nausées, des étourdissements… » Mais encore une fois qu’en sera-t-il dans la vraie vie ?
L'efficacité. Au-delà des interrogations sur les risques, quelle est l’efficacité de ce nouveau médicament ? D’après un essai d’un an mené sur 8 000 patients encadrés par un régime alimentaire, près d’une personne sur deux traitée par la lorcaserine aurait perdu au moins 5% de son poids contre seulement une personne sur cinq traitée par un placebo. « C’est un effet modéré, précise le clinicien Olivier Ziegler.
Mais attention, ce sont des moyennes, cela signifie que certaines personnes obèses peuvent très bien répondre au traitement et d’autres non ». Pour le clinicien spécialiste de l’obésité, ce traitement a un intérêt et a sa place dans la prise en charge globale de l’obésité. « Les mécanismes biologiques de résistance à l’amaigrissment sont considérables, donc d’une façon plus générale, un médicament peut être intéressant pour éviter de reprendre du poids après en avoir perdu, par exemple après un régime très strict, une chirurgie, ou une thérapie cognitivo-comportementale »
Pr Olivier Ziegler, « Une perte de poids de 5% peut améliorer considérablement l’état de santé de certaines personnes. »
Au regard de ces données, pour Anne-Sophie Joly, il n’est pas question d’attendre ce médicament comme un médicament miracle. Et d’une manière générale, il n’est pas question d’attendre de miracle. « Tout ce qui dédouane l’individu face à une problèmatique n’est pas bon », estime la présidente du CNAO qui rappelle les recommandations du plan obésité.
Anne-Sophie Joly, présidente du CNAO: « Si vous prenez un médicament et que pour autant vous ne changez pas vos mauvaises habitudes alimentaires, ça ne servira à rien la problématique, elle est là, ça doit être inclus dans un tout. »
Première publication le 10 juin 2012