Face au cancer du pancréas, plus de trois quarts des patients décèdent au cours de l’année qui suit le diagnostic, et à peine 2 % sont encore en vie après 5 ans. Un bilan redoutable auquel des chercheurs français espèrent mettre fin grâce à une nouvelle approche thérapeutique.
Un virus dans les cellules cancéreuses
En effet, à Toulouse, une équipe Inserm (1) a étudié la faisabilité d’un traitement reposant sur l’injection de virus "oncolytique", c’est-à-dire capable d’infecter et de détruire spécifiquement les cellules cancéreuses.
L’idée n’est pas nouvelle et plusieurs autres équipes ont déjà testé certains virus dans différents cancers. En détails, les chercheurs Inserm ont cette fois travaillé avec un virus dérivé d’Herpes simplex (2), rendu inoffensif vis-à-vis des cellules saine de l’organisme mais capable de se répliquer spécifiquement dans les cellules cancéreuses du pancréas, et de les détruire.
Cette prouesse a nécessité de nombreux remaniements du génome viral. L’objectif : rendre l’expression de protéines virales impliquées dans la réplication et la toxicité dépendante de la présence d’un gène actif uniquement dans les cellules cancéreuses du pancréas.
Des résultats probants in vivo et in vitro
Et les résultats rapportés par ces scientifiques sont sans appel. "In vitro", le virus se comporte comme attendu, n’affectant pas les cellules saines du pancréas mais se multipliant dans les cellules cancéreuses, se propageant dans les cellules malades voisines et les éliminant.
Les chercheurs ont donc testé "in vivo", sur des tumeurs humaines greffées à des souris. Là, une unique injection du virus modifié, associée à une chimiothérapie, a drastiquement réduit la taille des tumeurs, sans effet indésirable dangereux pour les animaux.
Le choix d'un virus dérivé d’Herpes, pas un hasard
« Cette approche est étudiée depuis longtemps pour une raison simple : alors qu’une cellule saine lutte efficacement contre la réplication d’un virus, une cellule cancéreuse est beaucoup plus vulnérable. Le processus de cancérisation fait sauter des verrous protecteurs, facilitant l’entrée et la réplication des virus dans ces cellules malades », explique Pierre Cordelier, responsable de l’étude.
« Mais il faut utiliser un virus qui reconnait très spécifiquement les cellules concernées et très efficace d’emblée, car le traitement repose sur une injection intratumorale unique. Nous supposons en effet qu’une seconde injection déclencherait une réaction immunitaire rapide, qui entrainerait la neutralisation du virus », rajoute-t-il.
Avec ces travaux, les chercheurs toulousains ont donc apporté la preuve de concept de l’efficacité de ce virus modifié. Et pour Pierre Cordelier, « plus rien ne s’oppose au lancement d’un essai clinique chez l’homme. Au cours de cet essai il faudra par ailleurs rechercher des marqueurs prédictifs de réponse au traitement, afin de pouvoir, à terme, administrer le virus aux patients qui en bénéficieront le plus », conclut-il.
(1) Unité 1037 Inserm/ Université Paul Sabatier, Centre de recherche en cancérologie de Toulouse
(2) Virus modifié actuellement licencié par une entreprise privée, et produit par une société de biotechnologie française