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De 12 à 25 ans

Addictions : des consultations jeunes pour en parler autrement

Par Marion Guérin

Les Consultations Jeunes Consommateurs (CJC) visent à empêcher les jeunes de tomber dans la dépendance. Méconnues, elles font l'objet d'une campagne nationale démarrée ce lundi.

JAUBERT/SIPA

Il en existe plus de 400 en France. Bien malin qui pourrait en citer une seule… Les Consultations Jeunes Consommateurs (CJC) existent depuis une dizaine d’années sur le territoire, mais elles peinent à se faire connaître du grand public. Pour les sortir de l’anonymat, le ministère de la Santé, la Mildeca (1) et l’Inpes (2) lancent cette semaine une campagne nationale de communication.

Cannabis, alcool, jeux vidéo
Loin des clichés, les CJC ne donnent pas dans le discours moralisateur et les longs sermons sur les méfaits du cannabis ou des jeux vidéo. Gratuites, anonymes, elles accueillent des jeunes de 12 à 25 ans et leur famille, pour parler consommation de produits quels qu’ils soient (cannabis, alcool, tabac, Internet…). Et ce, avant que ces adolescents ne tombent dans l’addiction pour de bon.

« En France, on rencontre les jeunes consommateurs à deux occasions : quand ils sont sanctionnés (interpellés, ou envoyés par un établissement scolaire) ou quand ils sont malades, explique Jean-Pierre Couteron, président de la Fédération Addiction, qui participe à la campagne. Or, les adolescents ont horreur d’être traités comme des délinquants ou des malades mentaux ».

Ecoutez Jean-Pierre Couteron, président de la Fédération Addiction « Ils arrivent dans un lieu où ils n’entendent pas : "tu es malade et tu dois arrêter’"».



Ni toxico, ni cas sociaux
Les CJC ont justement vocation à leur offrir une troisième voie. Ni toxico, ni cas sociaux, les jeunes sont invités à s’exprimer sur leur parcours personnel, à réfléchir sur ce que leur apporte leur consommation en terme de satisfaction, de coûts, de nuisances. La dimension du plaisir occupe d’ailleurs toute sa place.

« Il ne s’agit pas de diaboliser ce qui est, à l’origine, un loisir – l’alcool, le cannabis, les jeux… explique Olivier Phan, addictologue, responsable d'une CJC dans le Ve arrondissement de Paris. Nous savons que chez certains, ces moments de détente deviennent problématiques. Mais plutôt que de coller des étiquettes aux adolescents, nous nous concentrons sur leur trajectoire personnelle, sur la meilleure manière d’allier divertissement et vie épanouie ».

Ecoutez Olivier Phan, addictologue, responsable d'une CJC : « On centre la prise en charge sur le bien-être et non pas sur la conduite ».



Une campagne ironique pour les parents
C’est dans cette optique que les CJC organisent leur « coming-out ». Avec, en premier lieu, des spots qui seront diffusés sur les chaînes de télévision. Ils tournent en dérision les idées reçues sur les consommateurs, et les caricatures dont ils font souvent l’objet. « Voici Maya, vue par elle-même. Là, c’est Maya, vue par ses copines. Maya vue par son père… ». Les consultations ont pour objectif de faire tomber ces fantasmes, nourris par les craintes parentales ou les idéaux d’adolescents.



Dans un premier temps, ces vidéos s’adressent aux parents qui s’inquiètent de la consommation de leur enfant. « Personne ne se leurre : les jeunes vont rarement consulter de leur propre chef, précise François Bourdillon, directeur général de l’Inpes. Or, les données scientifiques montrent que l’implication des familles permet d’améliorer le succès des interventions auprès des adolescents. Le but, c’est donc de créer un "réflexe CJC’"dans leur entourage adulte ».

Il y a du chemin à faire. Selon un sondage BVA pour l’Inpes, si 94% des parents se disent préoccupés par les pratiques potentiellement addictives de leur adolescent, seuls 16% d’entre eux ont déjà entendu parler des CJC – et encore, ils ont toutes les difficultés du monde à les définir dans le détail.

Parler en langage « djeuns »
Bien entendu, la campagne nationale a également pour objectif de populariser les CJC auprès des principaux concernés. Et pour ce faire, il convient de s’adresser aux jeunes dans un registre susceptible de les intéresser. Ainsi, dès fin janvier, des spots audio seront diffusés sur la radio Skyrock.

« Il faut parler avec leur langage en utilisant leurs outils, explique Danièle Jourdain Menninger, présidente de la Mildeca. La campagne aura aussi lieu sur les réseaux sociaux, avec des actions de community management. Les forums santé seront aussi visés. Partout où les jeunes se trouveront, nous irons à leur rencontre ».
 

(1) Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives
(2) Institut national de prévention et d'éducation pour la santé