La semaine dernière, plusieurs attentats terroristes coordonnés ôtaient la vie de 17 personnes et en blessaient 11 autres. Alors que la police se mettait sur la piste des forcenés, les rescapés - victimes, témoins, ou encore familles des défunts - étaient pris en charge par une cellule d'urgence médico-psychique (CUMP) mise en place à l'Hôtel-Dieu.
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Didier Cremniter, professeur associé et référent de la CUMP de Paris nous explique comment ces personnes ont été prises en charge.
Quel est le rôle de la cellule d'urgence ?
« La cellule d'urgence a pour rôle d'accueillir les rescapés de l'attentat de Charlie Hebdo : les membres du journal, les témoins de l'immeuble ou de celui d’en face, qui ont pu assister à des scènes extrêmement violentes, ou des personnes qui étaient dans la rue et qui ont été menacées. Il faut également ajouter les otages de l'Hyper Cacher de la Porte de Vincennes, ou encore les familles des personnes décédées : jusqu'à présent, nous avons accueilli 80 à 90 personnes.
Il est possible que l’on reçoive encore d’autres demandes, tout simplement parce que dans le traumatisme psychique, le malaise ne s’exprime pas toujours le premier jour. Il peut y avoir une phase de sidération, de silence… avant l’expression de la souffrance, qui survient dans les jours qui suivent le traumatisme. »
Quels sont les traitements appliqués ?
« Ce qui est très important, c’est l’écoute. Toutes ces personnes prises par la CUMP ont été accueillis et écoutées, soit individuellement soit en groupes. Les traitements utilisés en urgence sont des traitements symptomatiques : très rarement des antidépresseurs, et plutôt des médicaments contre le stress, qui vont permettre une sédation lorsque les symptômes sont très envahissants. Mais, ces traitements sont moins importants que l’écoute pour repérer les symptômes et permettre que ces personnes se sentent reconnues dans la particularité du traumatisme vécu. C’est pour ça qu’il est important de pouvoir les repérer, grâce à la ligne téléphonique que nous avons mis en place 01 44 49 24 30. »
Ecoutez le docteur Didier Cremniter, professeur associé et référent de la CUMP de Paris : "Grâce à une écoute très spécifique, les personnes doivent se sentir reconnues dans la particularité du traumatisme qu'elles viennent de vivre".
« L'écoute permet en particulier le « repérage des signes immédiats de stress aigu, de symptômes d’effractions traumatiques ». Dans les jours qui suivent, ces personnes, après être retournées chez elle, pourront à nouveau faire appel à nous si elles le souhaitent. »
Après un attentat, quels symptômes peut-on observer chez les victimes ?
« Les personnes victimes d'attentats peuvent souffrir de symptômes d’angoisse, de reviviscence. Elles peuvent se sentir envahies par certains des éléments les plus troublants qu’elles ont vécu. On observe également souvent des symptômes de retrait.
Certains d'entre eux ressentent une incapacité à penser, et d’autres se retrouvent dans un état « dissociatif », c’est-à-dire une perte de repère sur le plan des limites du corps, ou de l’affectivité. »
Ecoutez le docteur Didier Cremniter : "Certains souffrent d'un phénomène de retrait : ils ne peuvent pas reprendre une vie normale, sortir, se retrouver dans la rue".
Durant combien de temps doivent être suivies les personnes traumatisées ?
« Ces troubles peuvent nécessiter plusieurs semaines de suivi. Pour les cas les plus graves, ce suivi sera effectué par la cellule jusqu’à ce qu’il y ait une atténuation des symptômes et une récupération de leurs capacités sur le plan psychique.
Dans cette phase aigüe, il y a les personnes endeuillées, et également les personnes à la fois rescapées et endeuillées. Après les cérémonies, les célébrations, on devrait observer une amélioration des symptômes. »
Après la phase d'urgence, comment ces personnes sont-elles sont prises en charge ?
« Notre rôle est de trouver les bons interlocuteurs pour que les rescapés puissent être suivis le plus facilement possible [après la prise en charge par la cellule d'urgence]. C’est au cas par cas : pour les personnes les plus gravement traumatisées (ce qui correspond à une vingtaine à une trentaine de personnes pour l'instant), il est important que l’on continue à les suivre nous-mêmes car elles ne peuvent pas changer d’interlocuteurs dans cette phase extrêmement sensible de malaise psychique.
Pour les autres, lorsque les symptômes sont moins forts, on peut trouver dans les réseaux des consultations de psycho-traumatisme des personnes qui peuvent les voir. »
Ecoutez le docteur Didier Cremniter